Cette organisation secrète regroupe des femmes de différentes races ayant reçu une formation dans l'art de la séduction, l'espionnage et l'assassinat. Ces agents discrets se nomment « Les Colibris », en référence à ce petit oiseau qui vole sans bruit avec élégance au cœur des fleurs. Souvent des concubines ou des artistes, elles agissent officiellement dans des postes qui les présentes comme inoffensives et dont la présence est plaisante, pour pouvoir se rapprocher facilement de leur cible afin de collecter des informations ou assassiner. D'ordinaire, rien n'est plus redoutable pour les hommes qu'une femme légèrement vêtue sans possibilité de cacher une lame qui n'éveille pas leur méfiance, car les colibris sont formés à tuer de bien des manières, sans armes et sans forces. Un adage de la maison Nanchior dit : « Trois colibris pour assurer la protection d’une reine avec une simple danse. Deux colibris pour espionner un camp adverse avec un simple sourire. Un colibri pour renverser un royaume avec une simple rumeur. »
Légende et tromperie
En 907 de l'Ère de la Forge, le peuple Ziraï Nath (dirigés par le pirate Lunaï Drat) débarqua sur les côtes de Bout du Monde pour y établir leur nouvelle capitale, Truchis. Ce peuple cultivait une forte inclination pour l'art dans toutes ses expressions, illustrée notamment par l'Anarphée, un navire imposant pour son époque, arborant une remarquable figure de proue représentant une femme nue aux bras ouverts tenant une dague dans chaque main. Sous la pression de la démonstration de force de leurs voisins, le puissant empire zélote d'Arnol III, Lunaï Drat fut contraint d'accepter l'installation d'une commanderie à leurs frontières répandant le culte de Kalester. Les idéaux fervents des Zélotes commencèrent à influencer les populations voisines, bien que cette piété rigoureuse se heurte aux mœurs libres des pirates du Ziraï Nath.
Incapable de rivaliser avec une force militaire équivalente, Lunaï riposta en utilisant l'excès et les plaisirs terrestres comme arme. Des esclaves furent distribués à travers le territoire pour satisfaire tous les désirs, et l'ouverture d'un bordel renommé, « L'Écume des Sirènes », attira les foules à Truchis. La ville devint un centre majeur de luxure, offrant des prostituées, des bijoux, et bien d'autres extravagances. Les arts de la fête et de l'hédonisme devinrent la spécialité de Truchis, tout en abritant des activités plus sombres telles que l'espionnage et l'assassinat.
Malgré son infériorité militaire, Lunaï utilisa des stratégies subtiles pour maintenir les Zélotes à distance. L'une de ces tactiques consista à envoyer la gnome et prostituée Lullatrix à Arion, la capitale de l'empereur, sous couvert de se convertir et d'apprendre leurs principes religieux et culturels. En réalité, la mission secrète de Lullatrix fut de s'approcher de la cour pour informer Lunaï des activités militaires zélotes et de conserver une illusion de soumission et d'intégration à l'empire.
En 954, un troll géant attaqua les villages de pêcheurs au sud de la Baie d'Argent, dévastant tout sur son passage. Lunaï, assoiffé de gloire, se précipita pour affronter la créature. Il réussit à vaincre le monstre, qui se dédoublait chaque fois qu'il perdait la tête. En utilisant la peau du troll, Lunaï se fabriqua une cape aux pouvoirs mystérieux, lui permettant de prendre l'apparence de ceux qu'il tuait. Cependant, son triomphe fut éclipsé par l'arrivée du régime zélote, qui s'attribua publiquement cette victoire et revendiqua la région. Déterminé à la vengeance, Lunaï fit transmettre sa cape à sa complice Lullatrix. Grâce à cet astucieux sortilège, Lullatrix prit l'aspect de l'empereur après l'assassinat, devenant ainsi la dirigeante de cette souveraineté. Cette manœuvre lui valut le soutien de l'aristocratie impériale et accrut considérablement son pouvoir. Sabotant l'ennemi de l'intérieur, la gnome envoya toute la flotte se faire réduire à néant contre le royaume Soga, un autre adversaire du Ziraï Nath. Il n'aura fallu qu'une simple prostituée bien placée dont personne ne se méfiait pour amorcer la chute d'un empire en pleine ascension.
De prostituée à colibri
Lullatrix finit par être confondue et fut exécutée dans le plus grand secret pendant que la version officielle colportait que l'empereur était mort de vieillesse. Bien que prise pour une simple rumeur, la vérité se répandit dans tous le territoire Ziraï Nath. Lullatrix fut rebaptisée « Le Colibri » et son histoire devint légende et modèle d'inspiration pour les prostituées. Ce mythe s'amplifia au fil des siècles mais sans dépasser bien plus des récits de tavernes ou des chansons de bardes. Aucun acte vérifiable ne fut attribué à Lullatrix ou à des noms associés au petit oiseau par la suite.
Pourtant, dans les sombres recoins des chambres de stupre et de luxure, une tradition orale persista chez les femmes qui travaillaient dans ce genre de lieux. Bien qu'il ne s'agissait pas encore d'une organisation à proprement parler, l'action de Lullatrix motiva l'entraide des filles de joie qui s'enseignèrent entre-elles des secrets, des techniques pour charmer un client violent pour éviter les coups, des façons de se faire discrète tout en étant dénudées sous les regards... Ce partage de connaissance permit à bien des prostituées de survivre à un milieu difficile tout en étant sans armes et sans formation de défense. Voilà ce qui fut les prémices de cette organisation.
En parallèle, ces individus pouvaient être utilisés comme outils par des individus agissant dans l'ombre. En effet, celles que l'on appelle « catins » ont accès à l'intimité la plus totale de leurs clients (hommes ou femmes). Pourrait-on réellement estimer le chiffre de prostituées qui furent discrètement rétribuées pour copier un document dans la poche d'un homme pendant qu'il dort ? Ou encore évaluer le nombre de courtisanes qui obtinrent une information par une simple question posée négligemment sur l'oreiller après l'accomplissement de l'acte sexuel ? Qui peut dire combien de dagues furent dissimulées sous un drap, ou de poisons versés dans une coupe ? Toutes ces actions ne furent pas l'œuvre d'assassins expérimentés ou de maîtres dans l'art de l'espionnage, mais bien de séductrices professionnelles qui prirent des risques dans l'espoir d'une vie meilleure, ou d'un peu plus d'argent. Mais que ce soit des prostituées des bas-fonds d'Emésir ou bien des danseuses de charmes de Clairécume, le tatouage d'un colibri ornait souvent une épaule ou une jambe.
Dans l'ombre des Nanchiors
Toujours est-il que cet esprit perdura jusqu'en 3615 de l'Ère des Royaumes (-923 avant l'Ère du Déclin) avec l'avènement de la Maison Nanchior. Les monarques de cette famille accordaient une importance toute particulière à leur reine qui se devait d’être active et autoritaire. Alors que Proréanù, le premier monarque de la lignée, faisait le tour des frontières de son nouveau royaume, son épouse Xilìs mit en place la formation d'une garde qui lui était personnelle avec des compétences plus adaptées à son service à la cour. Les jeunes servantes avaient pour rôle d'identifier tous les opposants au pouvoir, se débarrasser d'adversaires ou déjouer les complots par un espionnage discret. À la mort de Proréanù, Xilìs conseilla à la nouvelle souveraine de faire perdurer cette initiation auprès de ses servantes. La Capitaine Weyxilià d’un contingent de l’armée royale fut choisie pour former ces femmes avec de véritables connaissances tactiques ainsi qu’un entraînement spécifique dans le plus grand secret. Si besoin était, elles devaient donner jusqu’à leur vie pour permettre à la reine d’être en sécurité.
En 3869, la reine Ellimacéa eut vent de la légende du Colibri, alors qu'elle se détendait dans une maison de plaisir d'Erionth. En visitant chaque établissement de charme, même les plus délabrés, elle put constater que de nombreuses prostituées portaient le tatouage de l'oiseau. Elle décida alors de remettre ce mythe au premier plan en donnant le nom de « Colibris » aux membres de son escorte et en les formant à la danse, à la séduction et aux plaisirs sexuels comme outils pour espionner ou assassiner. Ces agents pouvaient être envoyés en tant que concubines chez les seigneurs ou tout autre personnage influent et ainsi, recueillir des informations sensibles. L’importance (et la dangerosité) de ce groupe prit toute son ampleur de 4216 à 4217. Ravortien (épouse du défunt roi Scovalden) fut frustrée d’avoir eu un règne si court à cause de la mort prématurée de son époux. Alors que le nouveau couple royal s’installait au palais, Ravortien sema la dissension à la cour avec l’aide des Colibris qui lui étaient encore dévoués. Elle les envoya assassiner le nouveau roi et cela finit en conflit entre servantes à l’intérieur des murs du palais (ce qui marqua le début de la « Guerre des reines »).
La reine Fafang fit octroyer aux Colibris trois navires d’intervention tactique en - 142. Les « Nanchiori » étaient des embarcations hautement maniables, capables d’agir aussi bien dans la Baie d'Argent que dans la remontée de l’Isil. De nombreuses opérations furent menées depuis ces bâtiments, les femmes abordant discrètement pour des sabotages ou des meurtres au large des frontières du royaume. Déstabilisation politique, actions fulgurantes à buts stratégiques, réseau d'informations sensibles ; les Colibris devinrent une arme capitale durant le dernier siècle de règne des Nanchior. Cependant, lorsque ces derniers décidèrent d'abandonner le trône et de quitter Abrasia 47 ans avant le début du Déclin, les servantes se retrouvèrent dans le désarroi. De plus, la nouvelle maison Cyri'Andil ne conserva pas cette organisation, ne voyant pas l'intérêt de cet outil précieux. Les Colibris se regroupèrent dans le bas quartier d'Erionth (Salendys) et n'ayant plus de financement ni de protecteurs, elles durent s'abaisser à leur vil métier d'autrefois.
Les colibris de nos jours
Néanmoins, elles décidèrent de mettre leurs maigres revenus en commun afin de s'octroyer un bâtiment leur permettant de continuer à s’entraîner et à former de nouvelles recrues (récupérant des prostituées maltraitées pour les protéger). Lors du raz-de-marée qui marqua le début de l'Ère du Déclin, les Colibris prirent la décision de tirer parti de cette situation de crise. Leur bâtiment devint un bordel des plus banal en apparence mais qui généra vite beaucoup de profit. Cinq ans après le raz-de-marée, elles furent autonomes et commencèrent à se faire une place dans les bas quartiers. En 42, tout le monde les avait oubliées, pourtant, ces femmes étaient à la tête du plus gros réseau de prostitution de Salendys. Au cours des deux siècles qui suivirent, elles durent mener une guerre incessante contre les autres organisations illégales qui tentèrent de s'accaparer leur territoire. Les Colibris intégrèrent de jeunes hommes dans leurs rangs, afin de pouvoir satisfaire toutes les envies de leurs clients (et ainsi recueillir plus d'informations grâce aux épouses infidèles qui devenaient très bavardes auprès des éphèbes). Ces jeunets furent également très utiles pour faire du chantage aux nobliaux qui venait s'adonner aux plaisirs du même sexe (l'homosexualité faisant scandale à la cour).
Le règne de Kelléan Cyri'Andil permit aux Colibris de se faire des accointances avec la noblesse, la faiblesse du roi laissant le territoire aux mains des différents nobles. Elles n'eurent guère de difficultés à proposer de jeunes gens prêts à assouvir tous les plaisirs des plus dépravés. Elles en profitèrent juste pour obtenir un contrôle total sur Salendys... Néanmoins, elle perdirent ce monopole avec l'arrivée des orateurs de Salendys. Au début du IVe siècle, le Gant Noir devint un concurrent sérieux qui mit à mal les projets des Colibris, réduisant considérablement leur pouvoir. La nouveauté étant toujours plus attractive, les Colibris périclitèrent et perdirent le peu qu'il leur restait de la tactique, de la stratégie et de l'entrainement qui faisait leur grandeur sous les Nanchior. Ne resta plus que des Colibris, le vestige d'un souvenir glorieux et quelques techniques de jeu de pouvoir. Leur dernière action concrète fut d'aider, la riss Tagaan'huura, à ouvrir son propre bordel : La Perle de Minuit. Cet établissement propose un large choix de prestations et de services, allant de la distraction au coup d'état. C'est également ici que l'on peut voir la célèbre danseuse Matchaka Loïloï accomplir ses prouesses artistiques, dont les ondulations de hanches provoquent des insomnies terribles aux clients. Hanches arborant un magnifique tatouage de colibri.
L'invasion de l'Empire Boréal en 498 fut la fin des libertés pour la plupart des Néruviens et l'Arc-Régente Luth imposa un régime totalitaire et nobles comme pauvres n'eurent d'autres choix que de se plier à ses conditions. Néanmoins, Luth prend plaisir à venir à Salendys pour rendre visite à Tagaan'huura, dont elle aime la compagnie et le savoir-faire.
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