Jeux de mains, jeux de magiciens.
- "Bizarre ces aventuriers tu ne trouves pas ?"
- "Et ils ont trouvé le Nécroticon de Thülaë ! Comme ça ?!" Abner n'y croyait toujours pas.
- "Ça ne me surprend même pas... Ce Vynian à l'art de se retrouver là où il ne devrait pas être... Et comment ça se fait qu'ils ont réussi à t'invoquer ?"
- "Oh... A cause d'un jeu d'osselet que j'avais fait avec trois de mes phalanges. Je les avaient enchantées pour faire une blague à un confrère."
- "Toi et tes foutues blagues," soupira Abner. "Tu sèmes tes morceaux aux quatre coins d'Abrasia ! Y'a t-il beaucoup d'autres blagues dont je devrais être au courant ?"
- "C'est possible..." dit Kardàsan d'un ton espiègle.
Sa désastreuse mission à Nadarah lui avait au moins prouvé qu'il n'était pas encore trop vieux pour avoir une cause. L'Empire Boréal était un fléau, le mage avait pu le constater, et il fallait s'en débarrasser. Depuis plusieurs mois, Abner avait pris contact avec les Loyalistes, aidé les Duergar rescapés de la mine de Selzend à enchanter leurs armes en Kaolin, envoyé Vynian Dreslard au Sud pour aider l'église d'Ithilvion de Borcienne... Aprés avoir sillonné l'Ouest de la Bordure, Abner venait de franchir la Fissure de Mewit et se dirigeait vers l'Est et son désert.
- "Tu es sûr que c'est une bonne idée ?" demanda Abner à son anneau.
- "Quand on veut être sûr on plante des radis," lui répondit mentalement Kardàsan, "on ne cherche pas des alliés pour une révolte."
- "Il parait que ces chevaucheurs d'Orzyks ne sont pas très commodes..."
- "Ils ne le sont pas, mais je t'assures que lorsque j'étais encore mage au cercle en mon temps, ils étaient extrêmement puissants et leurs Orzyks pouvaient décimer des rangs de bataillons entiers. Vu la puissance des impériaux, tu as intérêt à trouver les bons arguments pour les convaincre !"
- "Nous verrons bien...
- "Il y a quelque-chose au Nord."
- "Oui je l'ai senti aussi," confirma Kardàsan.
- "Qu'est-ce donc ? Magie profane ? Divine ?" demanda Abner à Kardàsan alors qu'il pressait le pas.
- "Rien de tout ça mon vieux," confia l'anneau. "Ce n'est pas non plus démonique ou chaotique... En fait, j'en sais rien. Mais Abner..."
- "Quoi ?"
- "...Prépares tes composants, ça arrive droit sur nous."
- "Abner..."
- "Inutile de chercher à m'éviter en plein désert !" cria l'homme.
- "Abner ca sent pas bon," souffla Kardàsan.
- "Chut ! Laisses-moi réfléchir."
- "Allons, inutile aussi de feindre la faiblesse," continua de crier l'homme de sa voix sèche et éraillée. "Je sais que vous n’êtes pas un simple voyageur !"
- "Bon jour monseigneur !" tenta Abner. "Quelle agréable surprise de rencontrer quelqu'un en des lieux si reculées."
- "Laisse ta joie éclater vieil homme ! Car tu arrives droit sur ton salut."
- "Qu'est-ce qui vous amène ici ?"
- "Je suis là pour vous !" dit-il d'une voix presque enjouée. "Je suis là pour vous montrer le chemin !"
- "Il a l'air d'avoir un Wasonya dans le casque celui-là..." souffla Kardàsan.
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- "Etes-vous au courant de ce qu'il s'est passé dans cette oasis ?" demanda Abner en prenant discrètement une opale dans une de ses sacoches.
- "Je leur ai apporté le message de mon maître !" s'exclama l'homme.
- "Qui êtes-vous ?" demanda Abner qui avait le front perlé de sueur sous la tension. "Et qui est votre maître ?"
- "Je suis le Calciné et je viens de la part de mon maître, le Dévoreur de Dieux !!"
- "Abner, le calciné, j'ai lu ça dans une prophétie du temple d'Ithilvion, t'es dans la bouse mon vieux ! " lui dit Kardàsan. "Tues ce fou immédiatement !!"
- "Quel est votre projet à vous et votre maître ?" demanda le mage sur le ton de la conversation.
- "Mon maître annihilera votre monde, il détruira tout ce que vous avez construit et vous le rejoindrez dans le néant !" s'exclama le Calciné.
- "Mon maître est votre salut !" s'extasia le Calciné en ouvrant les bras. "Laissez-moi vous conduire à lui !"
- "Je passe", dit Abner en consommant l'opale qu'il avait dans la main.
Le Calciné brandit sa branche de robinier et un puissant cône de braise s'abattit sur le bouclier d'Abner. Ce dernier plia le genou sous l'impact. Il effectua une roulade sur le coté juste avant que le bouclier ne cède et jeta son diamant qu'il matérialisa en orbe chromatique de foudre dans la direction du Calciné. Le Calciné se prit l'orbe de foudre en pleine poitrine et fut projeté une dizaine de mètres plus loin. Abner en profita pour sortir une craie et traça rapidement le symbole de la terre sur le sol. Le Calciné se releva et au moment où il allait pointer sa branche vers Abner, ce dernier cria : "ELVADRIM !". Le mot de confusion sembla fonctionner sur le Calciné car il mit un genou à terre et poussa des hurlements en tentant de reprendre le contrôle de son esprit.
Abner posa ensuite sa main sur le symbole et commença une incantation. Sur trois mètres de diamètre autour du Calciné, la terre se transforma en sable mouvant et absorba le calciné jusqu'a la poitrine, ensevelissant ses bras et sa branche par la même occasion. La terre redevint solide ne laissant dépasser que les épaules et la tête du Calciné.
Abner reprit son souffle et se dirigea prés de l'homme qui reprenait ses esprits. Le Calciné fixa son regard sur Abner et commença à rire. Un rire de dément.
- "...Vaines sont les affres du cœur lorsqu'il descend de sa demeure," marmonna le Calciné dans sa barbe, "libérés du malheur seront alors les âmes qui ne vivent que par la lame..."
- "...c'est lorsque vous aurez déjà un pied dans la tombe, qu’apparaîtra alors le Dévoreur de dieux."
- "Le Dévoreur de dieux est un... dieu, c'est ça ?" demanda Abner.
- "C'est la voix dans ta tête qui t'as dit ça vieil homme ?"
- "Quoi il ... il m'entends ?!" fut surpris Kardàsan.
- "Oui je t'entends," ricana le Calciné. "Oui mon maître est un dieu, mais pas un dieu comme les vôtres. Mon maître est fait de chair est de sang, comme toi et moi. Il a atteint un rang ultime, une destinée cosmique !"
- "Quelle est cette magie que tu utilises ? Quelle est sa source ?"
- "Sa source, eh bien, c'est LA source. La source originelle de la magie. Vous, vous n'utilisez que sa forme déliquescente, sa forme pervertie et en fin de vie. Mon maître me prête sa magie, sa forme pure."
- "Comment ton maître veut anéantir notre monde ?" demanda mentalement Kardàsan.
- "HAHAHA mon maître ne veut pas anéantir votre monde, vous le faites tout seuls !" s'exclama le Calciné visiblement amusé. "Il vient pour s'en nourrir, pour s'alimenter de votre chute, comme tant d'autres mondes avant le vôtres."
- "Mais tu seras libéré bien avant vieil homme..." continua le Calciné.
Abner pris le morceau de Kaolin. "Pas maintenant Abner !" lui cria Kardàsan. "Le lien !" Abner comprit là où il voulait en venir. Le mage, toujours dissimulé, fit le tour du Calciné en spirale. Tout les mètres, Abner déposait un léger fragment de fer sur le sol encore fumant de la décharge de flammes du Calciné.
- "Inutile de chercher à fuir !" cria ce dernier en projetant des jets de lave au hasard autour de lui. "Personne ne se cache du maître !"
- "ASSRI TELLESA ULLINARAN !" ordonna Abner en jetant le reste des morceaux de fer autour de lui.
- "Bien joué mon vieux, tu l'as eu !" le félicita Kardàsan. "Meilleure partie de pêche que j'ai vu depuis bien longtemps !"
- "CROIS-TU VRAIMENT QUE TU VAS ME GARDER ENFERMÉ ICI ÉTERNELLEMENT ?!"
- "Nan, juste assez pour que tu regardes ce petit caillou gravé de kaolin à tes pieds," répondit simplement Abner.
Le dôme d'Abner relié à l'autre dôme avait permis au mage de déclencher le kaolin malgré les barrières d'anti-magie. Abner restait attentif à l’intérieur du dôme, essayant de repérer un quelconque mouvement. Tout à coup, le sang d'Abner se mit à bouillir. "AAAAAAAARGH" hurla t-il en tombant à terre. Son sang était brûlant, la douleur était telle qu'elle le rendait aveugle, l’empêcher de réfléchir, d'entendre les conseils de Kardàsan. Des cloques commençaient à se former sur sa peau.
Alors qu'il vivait le martyre depuis (il l'aurait juré) des jours entiers, la douleur s’arrêta. Seulement quelques secondes s'étaient écoulées. Les domes venaient de disparaître et le Calciné s'approchait d'Abner.
- "Je crois que c'est la fin pour toi mon vieux" déplora Kardàsan. "Toutes les bonnes blagues ont une fin..."
- "Ce qui marche dans un sens marche dans l'autre magicien", dit le Calciné. "C'est ainsi que je t'ai atteint. Et te voici désormais calciné toi aussi."
- "N'ai crainte mage," dit l'homme chauve, "car tu rejoins..."
- "Réjouissez-vous," murmura t-il. "Car mon maître vient d'arriver..."
Au même instant, à plusieurs milliers de kilomètres, dans le Marais de Venim...
Au sud du marais de Vénim, un bulbe nécrotique battait encore légèrement. Tous les autres bulbes avaient déjà dépéris depuis plusieurs jours, celui-ci était le dernier encore alimenté en énergie noire. En effet, Ombre Lamesolide n'avait pu aboutir son projet de ressusciter les héros, morts au troisième siècle du Déclin, qui auraient pu changer la donne et sauver Abrasia.Les battements de ce bulbe de trois mètres d'envergures s'intensifièrent. Une ligne se dessina en son centre, une fracture, un dernier être venu du néant allait sortir. Un liquide mauve suinta sur la neige, un être sombre échoua sur le sol gelé. Un hurlement déchira la plaine désolée et infestée de mort-vivants.
Le bulbe s'effondra sur le sol, commençant sa décomposition putride. L’être sombre rampa sur la neige. Il ne s'agissait pas d'un esprit revenu d'entre les morts cette fois-ci. C'était autre chose...
Une créature de presque trois mètres de haut, la peau aussi noire que celle du charbon, avec de grandes mains et de grandes ailes sombres repliées dans le dos se releva au milieu de la plaine. Le symbole des Théocides était scarifié sur son torse. Son regard se posa sur les nombreux squelettes et zombis qui parcouraient la zone. En reniflant profondément l'air, un sourire carnassier révélant des dents immenses se dessina sur le visage du Dévoreur de mondes. "C'est bon d’être de retour..." gronda t-il de sa voix grave.
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