La quarantaine
La quarantaine est un isolement imposé aux personnes, aux animaux ou aux choses atteints ou contaminés par une maladie contagieuse ou susceptibles de l'être. Établie en réponse aux épidémies à répétition, elle tire son nom de la période de quarante jours qui faisait sa durée dans les commencements.
XIVe-XVIIIe siècles
XIXe-XXe siècles
XXIe siècle
La quarantaine est inventée par la ville de Raguse en 1383. La peste sévissant au Levant à répétition, la ville décide d'imposer à tout navire en provenance d'une région infectée un isolement de quarante jours avant de pouvoir accoster et débarquer marchandises et passager. Quarante jours en effet permettent de purifier presque tout, comme l'enseigne la Bible à multiples reprises : le Déluge n'a-t-il pas purifié le monde en quarante jours ? Et le Christ, n'a-t-il pas été quarante jours dans le désert ? On pourrait en trouver d'autres exemples. D'ailleurs, c'est aussi une période de quarante jours qui s'intercale entre l'accouchement et les relevailles.
Venise impose à son tour une quarantaine en 1423, et d'autres villes suivront. La période peut varier, et quarante jours constituent un maximum. Le principal outil de l'isolement est le Lazaret, nouvelle évolution de la léproserie, inventé par les cités italiennes.
Au XVe s., les lazarets se répandent tout autour de la Méditerranée, si possible sur une île ou une presqu'île. Il faut que les vaisseaux puissent y accoster et qu'il soit assez éloigné des autres habitations ; ils ont leur propre administration. Dans plusieurs endroits, ainsi en Italie, les autorités doivent réquisitionner les médecins qui préfèrent fuir la maladie.
On peut douter de l'efficacité de la quarantaine ou être rebuté par l'idée de s'enfermer parce que l'on revient de Smyrne ou du Maghreb, mais la transgression de la quarantaine provoque parfois des catastrophes.
Cito longe tarde ! Pars vite, loin, et reviens tard !Adage servant de conseil en temps de peste
Après la Révolution, François Broussais nie l'efficacité de la quarantaine contre la peste, expliquant que la maladie vient d'un déséquilibre des humeurs appelé pléthore en accord avec les théories hypocratiques et galienne. Le docteur Clot, son élève, met en action ces principes lors de la peste de 1835 du Caire : tout ce qu'il y a à faire, c'est appliquer une diète stricte et vivre sans excès et sainement. La contagion ne serait qu'un mythe : pour le prouver, il se fait inoculer du pus de bubon pesteux... et ne tombe pas malade
La quarantaine n'est cependant pas oubliée et est toujours utilisée contre le choléra, nouvelle maladie épidémique venue d'Asie. Signe des temps, face à l'augmentation des échanges, une convention internationale est signée à Dresde en 1893 pour réglementer l'isolement sanitaire des voyageurs et des marchandises, au grand damne de l'Angleterre qui a la main haute sur le commerce maritime et asiatique avec son empire tentaculaire. Mais ce qui inquiète le plus les puissances comme vecteur de maladie potentiel, c'est le pèlerinage à la Mecque, qui appelle à la construction de vastes lazarets dans le monde musulman, par exemple celui d'El Tor dans le Sinaï (1898).
Les temps de quarantaine diminuent rapidement, d'une part du fait de l'impatience des marchands et des voyageurs, mais aussi car la médecine nouvelle justifie d'un isolement écourté : les microbes découverts par la génération de Louis Pasteur (1822-1895) qui est lui-même l'auteur de travaux divers sur la fermentation, causée par des microorganismes, et qui à partir des années 1870 se fait entendre comme partisan des théories microbiennes alors encore discutées. Une fois la théorie microbienne admise, le temps de quarantaine est écourté en fonction de la période de survie du microbe.
Le temps n'est plus à la quarantaine. Qu'est-ce donc que cette horaire d'un autre temps ? Bien sûr, il faut se protéger de la contamination... mais pas en cloisonnant au hasard. On parle d'isolement, d'observation ou encore de confinement, et plutôt que d'être cloîtrés dans des lazarets au confort aléatoire, la chose se passe chez soi en famille, ou à l'hôpital en cas de contamination avérée, libérant ainsi les places autrement prises par les simples suspects.
Plus d'images et de détails, ainsi qu'une bibliographie, dans Anne-Marie Moulin, « Quarantaine, le retour du refoulé », L'Histoire no 470 / avril 2020, p.20-22
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