François-Vincent Raspail
François est un homme d'une grande dignité personnelle. Travailleur, érudit, aimant apprendre, possédant une veine polyglotte à ses heures, il est aussi atteint de fréquentes rechutes de républicanisme forcené qui le font très régulièrement renvoyer de ses postes d'enseignant (surtout en théologie). Lorsqu'il s'ennuie, il reprend des études.
Il épouse Henriette, une jeune femme qui parle latin, et avec qui il a de nombreux et beaux enfants. Les responsabilités le poussent à trouver un moyen de générer des rentrées d'argent, ce qu'il a, à l'origine, fort du mal à accomplir, mais il finit par s'en tirer en publiant encore et encore.
Enfin, il l'épouse. Ils refusent de se marier tant que le divorce ne sera pas légalisé, mais enfin, ils vivent comme s'ils l'étaient.
Il se retrouve, au début croyant faire quelque chose de parfaitement banal et son devoir de citoyen, à plonger dans la politique tête baissée. Du coup, il doit bien passer, à vue de nez, la moitié de sa vie en prison. Henriette fait avec. De temps à autre, il donne des consultations médicales et de droit, généralement sans se faire payer et presque toujours pour les pauvres.
Il survit vingt-cinq ans à son épouse, et passe vingt-cinq ans de veuvage, dont dix ans de deuil plus ou moins assumé.
Mental characteristics
Personal history
François-Vincent est le fils d'une famille d'aubergistes hautement pratiquants et royalistes, né en 1794. Autant dire que ce positionnement religieux et politique n'est pas qu'une note de bas de page. Cadet, il est destiné au séminaire, et confié fort jeune à un abbé, Eysséric. Il apprend alors encore enfant le grec, le latin, un peu d'hébreu, de sanskrit et de syriaque. Contrairement aux parents, Eysséric est plutôt républicain, et s'il s'en cache un peu, voilà qui teinte tout de même son enseignement, ses choix de lecture... et les valeurs qu'il se met à transmettre au petiot, en plein Premier Empire.
En 1810, François ayant maintenant 16 ans, il est temps d'aller au séminaire, pour de vrai. Direction Avignon, la philosophie, la théologie. On le présente comme un génie - il faut dire qu'Eysséric n'y était pas allé de main morte, ni avec le dos de la cuillère. François est rapidement promu professeur suppléant de théologie. Il reste au séminaire seulement 3 ans : dès 1813, âgé de 19 ans, il devient le bibliothécaire du collège de Carpentras. Il y commet un "léger" fait d'impertinence : pendant les Cent-Jours, il compose une chanson napoléonienne. Cela lui vaut un renvoi, comme punition, et un recrutement comme professeur, pour récompense.
Il ne reste pas longtemps. Quelques mois plus tard, les tribunaux exceptionnels de la Terreur Blanche tombent sur la Provence. Il monte à Paris pour esquiver la grêle et se fait recruter dans le privé, tout en commençant des études de droit. Qu'il mènera à bien, d'ailleurs. Tout en devenant franc-maçon. Il écrit des articles au vitriol contre les missionnaires dans La Minerve, tant et si bien qu'il finit par être viré de son poste d'enseignant (encore).
Histoire de ne pas finir sur la paille, il augmente son activité d'écriture, publie d'ailleurs une monographie titrée Les Missionnaires en opposition avec les bonnes moeurs, qui fait scandale. Au temps pour les sous. Il rencontre alors sa future épouse, Henriette, qui le trouve fort drôle, et avec qui il correspond en latin. Parce que. Après tout, elle a un grand-mère chantre, elle le parle aussi bien que lui. Bien qu'ils négligent quelque peu la case "église", ils ont un premier enfant, victime de mort subite du nourrisson, puis un deuxième en 1823, qu'ils nomment Benjamin (en l'honneur de son décédé aîné).
François, toujours fidèle à lui-même, finit par se trouver une situation relativement stable, et comme toujours quand il a du temps libre, reprend des études, en sciences naturelles cette fois-ci. Il s'amuse (et paye la soupe) à rédiger des articles sur les tissus végétaux et animaux. Il en profite pour adhérer au mouvement clandestin du carbonarisme, ce qu'Henriette trouve incroyablement stupide et tout à fait drôle. Elle le félicite de ne pas avoir réussi à être embauché comme professeur de nouveau, car il se ferait virer... de nouveau. Il vient au couple un nouveau petiot, Camille (né en 1827), puis un troisième, Emile (né en 1831).
En 1830, c'est la révolution des Trois Glorieuses contre Charles X. Sans surprise, François s'en mêle - s'en mêle tant et si bien qu'il est blessé sur une barricade, ce qui lui vaut pour une fois de gagner un métier plutôt que d'en perdre un : le voilà décoré de la Croix de Juillet et conservateur général du Museum. Il se mêle même de refuser la croix de la Légion d'Honneur, comme quoi "il ne veut pas faire partie de l'élite".
Quand il peut enfin quitter le lit, François a plusieurs kilos de papier à écouler. Il lui paraît que le moyen le plus pertinent de le faire est de fonder un journal d'opposition, Le Réformateur, et une association dans la même veine, la Société des Amis du Peuple. Comme un journal s'irrigue avec du nouveau plutôt que du vieux, l'opération n'a pas pour résultat celui primairement escompté, mais au moins l'argent rentre.
Et puis comble de malheur, il finit par avoir fini ses études de sciences naturelles. Il se met à "donner des consultations médicales", sans y mettre assez de régularité pour qu'Henriette consente à l'appeler médecin. Ses livres de chimie organique, cependant, se vendent tellement bien qu'on commence à les traduire pour l'étranger.
Il ne faut pas longtemps avant que la Société des Amis du peuple soit dissoute, et François, pour changer, s'est mis le pouvoir à dos dans la manoeuvre, au point d'écoper de prison. Que fait-il une fois en tôle ?... il prend la tête de l'Association républicaine de défense de la liberté de la presse...
Bon, il en sort, tout de même, au bout de quinze mois. Son capital sympathie est tout de même tellement bas qu'il se fait ramasser d'office à peine un an et demi plus tard pour deux ans de plus à l'occasion de l'attentat de la machine infernale (en 1835), alors que, pour une fois, il n'y est pour rien ! Il ne peut même pas assister à la naissance de sa petite Marie, avec ces bêtises !!
François étant François, Henriette étant Henriette, ils prennent leur mal en patience, il écrit un nouveau livre (ou trois), et elle fait tourner la boutique. Quand même, ils appellent désormais la carcérale de Sainte-Pélagie "Deutera Clausa", "le second domicile"... toujours en latin... Bande d'immondes...
Sitôt sorti, et avec un nouvel enfant pour célébrer l'occasion (ils n'y croyaient plus, à leur âge, mais Xavier est une petite merveille), il décide de donner de ses services comme avocat de l'accusée dans une affaire d'empoisonnement à l'arsenic. C'est dans ce temps-là que son aîné Benjamin (18 ans), qui a eu le bon goût de participer à une bagarre, est si gravement blessé qu'il doit être amputé de la jambe droite au-dessus du genou. François est catastrophé et suffisamment hystérique pour forcer les chirurgiens à le laisser faire lui-même la désinfection et le pansement de la blessure. Du coup, il n'y a pas de surinfection et tout le monde est rassuré.
François se met alors à réfléchir à écrire une graaaaande Histoire naturelle de la santé et de la maladie qu'il pourrait aussi décliner en manuel de poche ! Et finit par en faire un volume annuel d'ajouts et de nouvelles modifications. Il a alors quarante-neuf ans et à force d'écrire, il commence à avoir de confortables revenus, comme quoi, il avait raison de s'entêter. Il se met en tête de diffuser partout l'hygiénisme et l'antisepsie et milite activement auprès des classes populaires.
Et donc se prend une condamnation pour, motif inhabituel, exercice illégal de la médecine ! Bon, il ne prend que 15 F d'amende, il s'en tire bien.
Vient la Révolution de 1848. François est tout à fait un homme mur désormais, il a cinquante-deux ans, Henriette en a quarante-neuf, leur aîné Benjamin est un adulte du haut de ses vingt-cinq, le dernier-né a huit ans. Si le petit dernier est si jeune, alors François est jeune homme aussi, n'est-ce pas ? Alors que fait-il ? Il fait comme Lamartine : il vient proclamer la République. Et tant qu'il y est, attrape une fourche pour prendre d'assaut l'Assemblée constituante avec les ouvriers. Et fait signer une pétition de soutien envers les insurgés polonais, parce que bien sûr, c'était le sujet. Il se fait logiquement attraper au vol et mettre en prison pour six ans.
Ce qui ne l'empêche pas d'être élu député, puis de faire campagne pour la présidentielle. (Et ne recueille que 0.51% des voix.)
Lorsque François est enfin libéré, en 1853, la République est déjà morte, remplacée par le Second Empire. Henriette aussi, d'ailleurs. Françosi est démonté. Il prend ses cliques et ses claques et toute la famille part s'installer en Belgique.
François s'estime à la retraite, et veuf, et faisant son deuil, il se calme un peu. Son second, Camille, le calme, épouse une autre exilée, Sophie Olympe Cotte, et ils ont un petiot qu'ils nomment comme son grand-père, François. Emile aussi, le troisième, se marie, avec Félicité, du Pas-de-Calais (elle est française), et ils ont sur cette période deux petiotes, Françoise, qui meurt malheureusement en bas-âge, Marie, qui meurt également en bas-âge.
Alors il se passe en 1863, dix ans après leur départ, un quadruple événement. D'abord voilà qu'il y a dix ans qu'ils sont partis. Ensuite Félicité est de nouveau enceinte, et cette fois on est prêts à faire du vaudou pour que ça se passe bien. Puis l'aîné Benjamin déclare qu'il veut épouser une fille du cru, Marie-Adélaïde Welschaert. Le patriarche accepte, hein, ils ont l'air amoureux, mais tout de même, il est temps de rentrer ! D'autant que, c'est le dernier point, l'Empire se libéralise, et il ne sent plus autant le souffre.
En plus François s'ennuie. Alors il se fait derechef élire député. En même temps, avec ses soixante-sept ans bien passés, il a l'âge de la respectabilité ! A la maison, c'est Marie, sa fille, pas tout à fait trente ans, qui s'occupe de tout. François ne veut surtout pas se regarder en face quand il lui parle, car il pense bien qu'elle aurait un avenir plus radieux si elle se mariait, et il en a des brus pour s'occuper de lui, mais ses pulsions animales lui demandent de garder sa fille, qui ressemble tellement à Henriette. Ah, Henriette...
François se plonge d'autant plus dans le travail et la politique. Il n'écrit presque plus, ce que Marie interprète comme un signe critique de mauvaise santé mentale.
Vient 1870. Le foyer de François est dans un genre de statu quo, Marie toujours pas mariée. En France, c'est la guerre contre la Prusse (il est contre), puis la Commune et sa répression. Il est tellement contre que même sans être Communard, il trouve moyen de se faire de nouveau renvoyer pour deux ans à la Deutera Clausa. Ah, Henriette...
Et puis son fils Xavier, le dernier, là, pour fêter ses vingt-quatre ans, il se fait mettre en prison aussi, pour six mois. François est tout attendri que le petit fasse comme son vieux père.
Libéré (ça arrive tôt ou tard), et quelques années en plus, François finit par se retrouver doyen d'âge de l'Assemblée de la IIIe République. Il préside la séance d'ouverture et se fait remarquer par des traits d'humour sur les policiers et la prison. Qu'il se retient d'appeler Deutera Clausa, c'est avec Henriette, ça. Ah...
Et il meurt. Car ils meurent tous.
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Author's Notes
Bibliographie
Geneanet
Le Wikipedia de la flemme