Compte rendu de session #2

Ecrit par Vito Trebaldi alias Alfredo Della Rocca

General Summary

À notre retour au Taudis suite à la subtilisation du dernier ouvrage d'Englebert, l’écrivaillon de la Haute ville, nous prenons rapidement contact avec Constantine afin de réclamer notre dû. Il nous indique avoir une affaire importante à régler avec le manuscrit et souhaite nous rétribuer plus tard. N’étant plus dans une nécessité immédiate grâce à notre coup d’éclat au marché, nous acceptons et consacrons les jours suivants à nos occupations personnelles.   Je consulte des ouvrages sur l’économie fondamentale et me renseigne sur le culte d'Abadar à la bibliothèque de l’orphelinat, où j’emprunte d’ailleurs un exemplaire du Manuel de Construction de Cité, un texte sacré du culte. Maeve musarde au cimetière avec sa poupée, une habitude chez elle pour le moins lugubre, d'aucun dirait. Elle y fait la découverte d’une curieuse fleur blanche qui ne semble s’épanouir qu’au contact de la putréfaction. Léda peaufine ses méthodes de confection de mutagène, une drôle de boisson concoctée à partir de plantes, de terre, d’abats et de carcasses, aux vertus pour le moins étonnantes. Et Jinn renforce son lien avec Graou son animal de compagnie, une brave créature qui n’a néanmoins de mignonne que le nom.   Deux semaines s’écoulent ainsi, et un soir nous recevons des nouvelles de Constantine qui nous fait demander à sa boutique « L’heure est venue mes petits renards » nous fait-il savoir dans une missive portée par l’un de ses moutards. Constantine nous accueille dans son salon et nous offre à boire. Il semble pour la première fois témoigner du respect à notre égard. Il nous apprend que notre dernier succès a attiré l’attention de mystérieux individus qu’il se dit disposé à nous faire rencontrer si nous réussissons un nouveau travail pour lui. Plus complexe, plus audacieux, plus risqué, mais aussi autrement plus lucratif. Il s’agirait de subtiliser la pièce maîtresse de Mr. Amwana, l’homme le plus influent de Port Morue, qui sera présentée à l’occasion de sa traditionnelle exposition annuelle. En effet Mr. Amwana est un homme très riche de la Haute ville et un collectionneur ostentatoire qui tient chaque année une réception dans son domaine où il présente ses acquisitions de l’année aux notables de la ville et d’ailleurs.   La cible: une sculpture de corbeau argentée datée du Ier âge. Clou du spectacle, elle devrait être exhibée au centre du salon d’exposition. Constantine nous fournit quatre bulletins d’invitation pour la soirée, ainsi que les noms de deux personnes qu'il présente comme des « amis » et qui pourraient nous aider. Victor Kernel, un alchimiste de la Haute ville, et Rodéric La Chapelle un écrivain rival d’Englebert habitant au nord du Taudis, tout près de mon ancienne maison. Étrangement Constantine parle parfois de lui même à la première personne du pluriel. Au moment de quitter sa boutique il porte une main à son visage sur laquelle apparaît une étoile à 7 branches, il nous dit alors « ne me décevez pas, ne nous décevez pas ». Quelle peut bien être la signification de ce symbole, et jusqu’où s’étend la toile de son réseau ?   À la nuit tombée nous nous rendons chez Rodéric, aux abords du mur. Sur le chemin, nous passons devant mon ancienne demeure, qui est occupée par des individus imbibés jouant aux cartes. Parmi eux je crois reconnaître les personnes qui m’avaient expulsé suite à la disparition de ma mère. La maison est sale, le salon jonché de bouteilles d’alcool, le si beau jardin de ma mère est désormais à l’abandon et sert de déchèterie à ces pochtrons. Nous avons à faire et le moment n’est pas approprié, en temps et en heure je saurai leur reprendre ce qui m'est dû, et bien plus… En arrivant devant la maison de Rodéric, il nous semble que cette dernière est surveillée, trois ou quatre homme vêtues d’imperméables et de chapeaux sombres fument le cigare dans une ruelle adjacente. Ils pourraient être des détectives de la Haute. Leur présence ici bas est peu commune, les crimes et larcins perpétrés au sud du mur n’intéressent personne dans cette ville, et certainement pas les forces de police. Il ne peut s’agir que du vol du manuscrit qui est désormais en possession de Rodéric. Sa rivalité avec Englebert est de notoriété publique et fait de lui un suspect tout désigné. Nous décidons de faire profil bas et remettons notre visite au matin.   Le lendemain, les détectives sont partis et nous sonnons à la porte de Rodéric. Nous nous présentons comme des amis de Constantine et il nous accueille chaleureusement. Sans palabre, nous lui faisons savoir que c’est à nous qu’il doit le manuscrit, que nous n’avons pas été rémunérés pour cette affaire et qu’il a donc une dette à notre égard. Il exècre Englebert et son œuvre, une honte pour la littérature à l’écouter. L’auteur de La saisissante histoire du morse savant est sincèrement ravi de pouvoir nous aider. Parmi une multitude de commentaires désobligeants sur son rival, il nous glisse que Brecca la paladine au service d’Englebert a été renvoyée suite au vol du manuscrit. Elle serait d’ailleurs la fille d’Octavius de Lindel le grand Economiste du temple d’Abadar. La simple évocation de l’ouvrage volé le rend hilare. Cette nouvelle m’attriste grandement et bien que j’ai là ma part de responsabilité, je regrette que ma tendre Brecca ait eu à subir les conséquences de notre mission. Si l’identité d’Alfredo Della Rocca n’était qu’un artifice destiné à berner sa vigilance, c’était bien Vito qui s’exprimait, et notre douce rencontre n’en fut pas moins sincère, bouleversante.   Bien loin de ces considérations sentimentales, Rodéric déblatère sur son rival, et tout ce qui le concerne de près ou de loin. Ainsi nous n’avons aucun mal à le faire parler de la réception chez M Amwana, au cours de laquelle Englebert devait révéler un extrait de son prochain ouvrage, enfin plus maintenant. Il s'esclaffe à nouveau, il jubile. Le domaine dispose de son propre baraquement, doté d’une vingtaine de gardes. Le corbeau devrait être exposé sous cloche, et gardé à tout instant par Cairn le chef de la garde qui s’avère être un alcoolique notoire, dont la soif n’attend guère la fin de son service. C’est qu’il s’assomme à longueur de journée nous indique Rodéric qui a décidément la langue bien pendue. Il fait mention d’un orbe incandescent exposé l’année dernière, ainsi que de l’éventuelle existence d’une réserve où seraient entreposées les pièces des expositions passées. Il semblerait qu’une nouvelle cible se soit ajoutée à ce qui prend l’allure du casse du siècle uhuhuh... Rodéric nous apprend aussi le déroulé de la soirée, qu'il a obtenu car il remplacera Englebert pour la session de lecture :  
Ouverture des portes : 18h
Début des festivités : 18h30
Lecture du nouveau roman de Rodéric Lachapelle : 20h
Performance d'Eustache Faragon et Amelia Rosenbaum : 20h15
Ouverture du Grand Salon : 21h
Ouverture de la vente aux enchères dans la salle du banquet : 22h
  Rodéric est une vraie commère au fait de tous les ragots circulant en ville, il nous les livre sans retenue. Nous apprenons par exemple qu’une famille d’architectes, les De la truelle ont construit les plus belles bâtisses de Port Morue, dont la demeure de Mr. Amwana. Le fils De la truelle, Marcus, est un joueur compulsif, il doit d’ailleurs la coquette somme de 1000 pièces d’or à Nestor Caravelli le gérant du "Dé Pipé" , un homme auquel il vaut mieux ne jamais rien devoir. Il fait depuis profil bas mais d’après Rodéric nous pourrions le trouver dans l’une des salles de jeu clandestines de la ville, tentant de se refaire. Il nous avertit également que de sinistres rumeurs courent sur Victor Kernel l’alchimiste de la vieille ville, notamment sur la disparition de sa femme et de ses deux enfants dans des circonstances pour le moins mystérieuses. Ravi du coup porté à la carrière d'Englebert et de pouvoir rendre service à ses bienfaiteurs, Rodéric nous offre à chacun un livre de sa bibliothèque. Un exemplaire annoté et relié de cuivre du Manuel de construction de cité, une encyclopédie d’herboristerie, un livre de cuisine sur les cinq sauces mères, et une cartographie des plans de ce monde.   À la suite de cette rencontre très enrichissante, nous partons à la recherche de Marcus De la truelle. Nous le trouvons dans l’arrière salle de la Taverne illegitime de l'oncle Ernest. Il joue aux cartes avec trois individus, et semble être dans une mauvaise passe. À tapis face à deux joueurs qui se ressemblent à s’y méprendre, certainement des jumeaux. Sur les cuisses de l’un d'eux, nous remarquons des cartes dissimulées, manifestement la triche aussi est de la partie. Sans surprise, la chance ne lui sourit pas, le voilà sommé de payer ses mises. Nous assistons à la scène en silence et très vite le ton monte. Bien évidemment Marcus n’a pas de quoi payer et il se fait violenter. Mais si une aide extérieure est toujours appréciée, ce n’est qu’au bord du gouffre qu’elle prend toute sa valeur. Alors nous observons patiemment Marcus se faire rosser par les jumeaux. Ils ne retiennent pas leurs coups, Marcus est au sol, le visage en sang, probablement plusieurs os de cassés. On peut dire qu’il aurait bien besoin d’un coup de main, heureusement pour lui nous avons assisté à cette scène d’une violence inouïe et profondément injuste. Nous leur suggérons de cesser, après tout les morts ne remboursent que rarement leurs dettes. Qui sommes nous et de quoi nous mêlons nous dirent-ils. Alors que nous essayons de mettre Marcus à l’abri, la situation s’envenime rapidement. Persiflages puis insultes fusent, des mamans sont possiblement traitées. Le troisième joueur jusqu’ici silencieux se lève furax, il était en fait de mèche dans la combine, c’est le grand frère des jumeaux et les évocations peu flatteuses sur leur mère passent mal. Des coups partent, des couteaux sont tirés, Graou surgit, mord, griffe et fouette. Dans le feu de l'action, Maeve répand une épaisse brume qui nous permet d’atteindre la trappe de sortie que nous recouvrons de meubles lourds afin d’enfermer la fratrie. L’idée d’envoyer Graou les rejoindre pour se dégourdir les pattes effleure nos esprits, c’est qu’un bestiau de ce genre ça a besoin d’exercice. Magnanimes, nous n’en ferons rien.  
Marcus et les frères Wachowski
  Nous sommes hors de danger, indemnes, enfin nous quatre tout du moins, et Marcus nous est redevable, une affaire rondement menée en somme. En revanche, la famille Wachowski a probablement une dent contre nous désormais. Nous filons avec Marcus à la recherche d’un endroit à l’abri des regards indiscrets, ce sera le cimetière du Taudis sur les recommandations de Maeve, tiens donc. Un choix judicieux qui rappellera certainement à Marcus que s’il a pu échapper à ses moult créanciers jusqu’alors, la mort est une dette que chacun ne peut payer qu’une fois. Sous ces bons auspices, nous requérons de lui, en échange de notre aide gracieuse, qu’il vole pour nous les plans de la demeure de Mr. Amwana, et ceux des autres demeures de la Place des Grands Ducs tant qu’à faire. Décidément Marcus ne manque pas d’air et exige d’être payé pour ce service, peut être la symbolique du cimetière n'était-elle pas si explicite. Nous lui donnons rendez-vous le lendemain midi au même endroit. Il nous fait de la peine, endetté de la tête aux pieds, tricard jusque dans les bas-fonds de Port Morue, et rejeté par sa propre famille qu’il s'apprête à trahir pour une poignée de pièces d’or, il aurait bien besoin d’un nouveau départ.   En attendant notre rendez-vous avec Marcus nous nous rendons dans la Haute-ville pour rencontrer Victor Kernel. À nouveau, l’évocation de relations amicales avec Constantine nous ouvre des portes, l'alchimiste nous accueille dignement et nous offre le thé. Il possède une chienne très étrange nommée Sonia qui à l'air très docile mais ne ressemble à aucune race de chien connus. Il est disposé à nous fournir des potions de grande qualité en échange d'un petit service. Il nous apprend d’ailleurs que certaines lui ont été volées récemment, serait-ce l'œuvre de la petite loutre ? En effet Geoffrey avait été missionné par Constantine pour chaparder des potions verdâtres dans la Vieille Ville. Grâce à l’intérêt sincère de Léda pour ses travaux, Kernel consent à nous faire descendre dans sa cave pour nous montrer ses dernières expériences. D’ailleurs il apprécierait si nous pouvions lui fournir un sujet consentant, condition sine qua non d’après ses dires, de la réussite de son expérience. Il ne nous fournira les potions que lorsque son expérience sera terminée, ce qui nous oblige à l'aider. Une fois descendu dans les sous-sols de sa demeure, nous prenons toute la mesure de cette étrange formulation, ainsi que la teneur de ses expériences. Le sol et les parois sont carrelés comme pour faciliter leur nettoyage. Des cellules sont creusées dans les murs, et des cages meublent la pièce où sont emprisonnés reptiles et oiseaux de toute taille. Chaque cellule est dotée d’une table d’opération, en dessous une grille d’évacuation pour l’évacuation des eaux, à moins qu’elle ait un tout autre usage…  
Sonia
  Dans l’une des cellules, un individu est allongé sur le billard, il semble mort. Ses yeux sont vitreux et sa peau munie d’écailles, son abdomen a été méticuleusement sectionné horizontalement, exposant des organes déformés. Des fers attachant ses membres à la table d’opération laissent entendre que la dissection a été réalisée alors que le sujet était encore en vie, provoquant in fine sa mort. Victor Kernell, glacial, nous indique qu’il s’agit du dernier sujet de sur lequel il a mené ses expériences, un esclave qu’il s’est procuré récemment auprès de Mr. Amwana. Le malheureux aurait rejeté le produit administré, entraînant des « complications ». L’objectif d’après ses dires est d’octroyer des aptitudes animales à des sujets humains, tout en conservant leur faculté de discernement. Nul besoin d’élucider la disparition de sa famille, ce psychopathe transhumaniste les a utilisés comme cobayes. Nous apprenons au détour de conversations que sa femme s'appelait d'ailleurs Sonia, comme son chien....   Si jusqu’à présent tous ses essais se sont conclus par des échecs aux conséquences abominables pour les sujets, Kernel les attribuent à l’absence de consentement libre de ces derniers. Il considère néanmoins son sérum comme stable et fonctionnel, c’est pourquoi il recherche ardemment un sujet “volontaire”. Seule la folie ou la contrainte pourrait pousser à prendre part à ce genre de processus désincarnant. Du moins c’est ce que je croyais… Tandis que Kernell nous fait visiter son sordide sous-sol et nous expose avec passion l’objet de ses expériences morbides, Léda manifeste un intérêt non-feint pour ses recherches et le sérum, qu’elle juge d’ailleurs d’une pureté absolue. Et Maeve, silencieuse jusqu’alors, abasourdie comme nous tous pensais-je par le caractère profondément dérangeant de ce qu’il se passe dans cette cave, devait en réalité constituer son consentement car soudainement, elle se porte volontaire pour participer à l’expérience. Qu'ouïs-je? Qu’entends-je? Comment dire, je tombe des nues, c’est invraisemblable! Ni une ni deux, voilà que Kernel, assisté de Léda, l’attache à la table d’opération d’une des cellules et lui administre le sérum. L’essence animal utilisée est celle d’un petit lézard bleu dont l’alchimiste dément nous présente fièrement les caractéristiques, remarquables il faut le reconnaitre. Le processus est extrêmement douloureux mais semble bien se dérouler à en juger par l'émerveillement sur le visage de l'alchimiste. Après quelques heures, Maeve est remise sur pieds, différente. En observant sa peau, on peut y voir ça et là des écailles bleues desquelles semblent émaner une énergie latente. De plus, il semblerait qu’elle n’ait plus de paupières, mais je ne peux l’affirmer avec certitude tant soutenir son regard le temps qu’elle daigne éventuellement cligner des yeux me parait désormais hasardeux.  
Le lendemain midi nous retrouvons Marcus au lieu de rendez-vous, il apporte les plans de la maison de Mr. Amwana ainsi que des autres bâtisses de la place des Grands Ducs, et nous lui remettons une somme rondelette espérant qu’il puisse s’offrir un nouveau départ, loin d’ici. Mais il nous indique avant de partir qu’il compte tenter sa chance hors du Varistan, comme dirait l’autre: le jeu est un piège à loup, tu y mets le pied, tu y laisses les genoux.
 
Le Corbeau d'Argent
Date du Rapport
08 Nov 2022
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