Légende de la naissance de la Montagne aux Morts in Abrasia0 | World Anvil

Légende de la naissance de la Montagne aux Morts

By Loïc
Légende de la naissance de la Montagne aux morts   « A quoi bon…. » Brankar lâcha la lourde pierre qu’il portait, interrompant le mouvement de la file dont il faisait partie. Un bout de la corde qu'il utilisait pour la transporter venait de céder.   Rapidement, les personnes derrières le contournèrent, et la file reprit son mouvement en serpentant dans la plaine, ignorant le vieil homme immobile. Ce dernier lèva la tête, le regard perdu le vide. Au loin, la gigantesque silhouette du monument se dessinait dans le soleil couchant.   « A quoi bon… » Combien d’années avaient passées ? Il avait perdu le compte. Depuis cette nuit où il avait tout perdu…cette nuit où son fils adoptif avait décimé sa famille et l’avait laissé pour mort.   Pendant longtemps il avait fui sa peine en se noyant dans l’alcool et en se jetant corps et âme dans la guerre contre Tchek'Oulma. Alors que de nombreux camarades tombaient au combat, il revenait toujours, lui qui attendait que la mort le prenne. A la fin de la guerre, il était toujours là. Comme beaucoup, le cœur emplit de peine et de douleur.   Alors il suivit ceux qui avaient entreprit de construire un monument gigantesque pour honorer tous leurs morts, et pour que chacun se souvienne du sacrifice des Jinanes. Un monument qui ne pourrait jamais disparaître. Brankar avait entassé des cailloux, participer à déplacer des rochers, aider à construire des temples. Il avait même rampé sous terre, pour construire les couloirs sinueux de catacombes. Il avait prié, imploré, supplié les dieux de lui enlever sa peine ou de lui enlever la vie. Mais ils restaient sourds.   « A quoi bon… » Les dieux avaient ‘ils même encore une once de puissance ? Etaient ‘ils même toujours vivants ? Il restait tellement peu de Jinane pour prier, que les dieux avaient probablement disparu, ou étaient réduit à l’état d’une simple flamme de bougie dans une nuit sans fin.   « A quoi bon… » Inutile de continuer ainsi. Inutile d’attendre que les dieux décident de prendre son âme pour l’emmener au Jallannah, il était clair qu’ils n’en étaient maintenant plus capables.   « A quoi bon… » En quelques secondes, après des dizaines d’années d’espoir et de persévérance, Brankar venait de perdre la foi. Ce n’était plus la peine d’insister, le Jallannah n’était plus accessible. Il ne pourrait plus retrouver sa famille, serrer sa femme et ses enfants dans ses bras. La vengeance était vaine. Jared était surement déjà mort pendant la guerre.   Il emmena sa pierre un peu à l’écart, en haut d’une colline. Il dénoua quelques mètres de la corde qu’il utilisait pour la transporter, et la fit passer autour de la branche d’un l’arbre. Il passa sa tête dans le nœud coulant et envoya la pierre rouler dans la pente.   Alors que sa vie le quittait peu à peu, il vit une ombre grandir et obscurcir la plaine. Dans sa situation, il ne pouvait sentir le grondement de la terre qui tremblait. Une montagne venait de sortir de terre, là où se trouvait auparavant le monument. Du haut de sa colline, Brankar reconnus la forme que projetait l'ombre de la montagne : c’était le symbole de Gamya, la déesse de la terre et de la vie. Les dieux étaient toujours là ! Brankar tendait sa main vers l’ombre, espérant que Gamya vienne le chercher pour l’emmener au Jallannah.   Brankar tendait sa main, tandis que la lumière de la vie quittait peu à peu ses yeux.   ---------------------------------------------------------------------------------------------------------   Les années avaient passée depuis la guerre contre Tchek'Oulma, et les Jinanes restaient toujours peu nombreux...juste assez pour la maintenir en vie.   Gamya se sentait si seul, surement parce qu’elle était seul. Nicham, la déesse de l’amour, autrefois si belle et puissante, avait rapidement dépérit. Devant tant de haine et de carnage, elle n’avait pas réussi à tenir le choc.   Nachim, le dieu des plaisirs avait subis le même sort, les temps n’étaient pas aux jeux et à la fête.   Antibal, le dieu du commerce et du profit s’était suicidé en voyant le désastre.   Gamya ne savait même pas qu’un dieu pouvait se suicider… tant d’autres avaient ensuite retrouvé leur forme de gemme précieuse, attendant que des prières viennent les réanimer. Dieu majeure ou mineure…tous connaissaient le même sort.   Au final, il ne restait qu’elle et Lalab, le dieu de la guerre, qui était prié fréquemment par ceux qui combattait Tchek'Oulma. A eux seul, ils n’avaient pas assez de force pour maintenir le monde des dieux Jinane. Ils arrivaient à peine à garder intact une petite maison perdue dans un forêt de 2 hectars, et le chemin vers le Jallannah.   Gamya et Lalab eurent des jumelles ensemble : Echi et Machi. Mais ils ne pouvaient pas en faire des déesses, elles seraient mortes rapidement, faute de prières. Afin de leur sauver la vie, Gamya donna des jumelles à un couple de Jinane, et Lalab y plaça l’âmes de leurs filles. Parmi les Néruviens, elles sont connues sous les noms de En et Ma.   A la fin de la guerre, lorsque Lalab vit passer leurs âmes sur le chemin vers le Jallannah, après qu’elles se soient sacrifiées, il sombra dans une profonde tristesse. En parallèle, les Jinane s’arrêtèrent de le prier. Ils aspiraient maintenant plutôt à la reconstruction et la paix qu’à la guerre. Cela eu raison de lui, et il retourna sous sa forme de gemme rouge flamboyante.   Depuis Gamya était seul. Elle avait perdu la maison, la forêt et avec elles les gemmes des dieux éteint. Ils ne pourraient plus jamais revenir, le monde des dieux était perdu. Néanmoins, elle usait encore de toute ses forces pour maintenir le chemin vers le Jallannah, à tel point qu’elle passait son temps couché à même le sol de ce dernier. Il fallait conserver l’espoir pour les Jinanes.   Puis vint le jour funeste ou la balance pencha du mauvais côté. Une âme supplémentaire venait de perdre espoir et la foi. Ce n’était qu’un seul homme, mais c’était celui de trop. Cela suffit pour que le pouvoir de Gamya devienne insuffisant pour maintenir le chemin vers le Jallannah. Gamya, terrifiée, vit le chemin s’écrouler dans le néant, emportant avec lui les âmes qui l’arpentaient.   Gamya se retrouva seul dans le noir, à genoux et en pleure, sur 1mètre carré de terre. La dernière déesse Jinane, sur la dernière terre des dieux Jinane. Désespéré, elle songea à se jeter dans le néant. Alors qu’elle s’approchait du vide, sa vie et ses souvenirs défilaient devant ses yeux. Elle s’arrêta net, alors qu’une image d’En et Ma traversa son esprit. Gamya se ressaisit, elle n’allait pas mourir de façon aussi dérisoire. Comme ses filles, elle allait offrir un dernier don aux Jinane.   Maintenant qu’elle ne maintenait plus le chemin vers le Jallannah, il lui restait quelques forces en réserve. Les Jinanes était en train de construire un monument au mort, qui faisait aussi office de lieu de culte. Très bien, cela ferait l’affaire. Elle rassembla ses dernières forces et fit jaillir la terre du sol. Elle transforma leur petit tas de cailloux en une montagne, en prenant garde de ne pas abimer les temples, les cavernes, les catacombes et tombes que les Jinanes avaient aménagés. Elle creusa des galeries sous-terraine pour relier la montagne aux eaux de l’Enma, afin que la végétation puisse s’y développer, et offrir ainsi un dernier havre de paix au Jinane.   Alors qu’elle sentait ses forces la quitter, Gamya sourit en voyant la joie sur le visage de tous les Jinanes qui avaient assisté au miracle et savaient maintenant que jusqu'au bout, leurs dieux ne les avaient pas abandonnés. Peut être que dans quelques dizaines d’années, leur ferveur ferait naître de nouveaux dieux… Elle ne serait pas là pour le voir. Tandis qu'elle se transformait en une gemme jaune, une dernière larme coula sur sa joue. Une larme de bonheur et de satisfaction, d'avoir su aimer son peuple jusqu'au bout, d'avoir été à la hauteur du sacrifice de ses filles. Dans ce majestueux final, elle ne remarqua pas au loin, sur une colline, le corps d’un veille homme qui venait de se pendre à la branche d’un arbre.   Ainsi naquit La Montagne aux morts.

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