Naissance de la Déesse
Lorsque la Lune-Mère mit fin à ses jours, deux déesses naquirent. La Nouvelle-Lune émergea des larmes de sa mère, et Reine Corneille se forma à partir de son amertume. Née du suicide de la Mère du Monde, Reine Corneille devint la Déesse de la Mort. Habitée par la mélancolie de sa génitrice, elle s'assura qu'une période d'austérité vienne conclure la fin de chaque cycle annuel en mémoire de sa mère. Ainsi devint-elle également la Déesse de l'Hiver.
La Révélation de Son Devoir
Après le Déicide du Gardien, les dieux livrèrent leur Première Guerre. Le monde fut couvert d'innombrables cadavres. Les nains et les éladrins gisaient aux côtés des orques et des gobelins. Leurs âmes tourmentées étaient prisonnières de leurs corps pourrissants. Alors, la déesse de la mort et de l’hiver expliqua qu’il était temps pour elle d’accomplir son devoir. Reine Corneille partirait s’exiler pour toujours au cœur de la Gisombre d’où elle guiderait les âmes des morts vers le repos mérité.
Les Trois Méthodes
Les dépouilles des mortels devaient être préparées selon les rites dictés par la déesse afin de s’assurer que les âmes puissent être libérées. Les corps devraient être enterrés visage vers le sol, un de leurs objets familiers à leurs côtés. Lorsque un tel enterrement serait impossible, les corps devraient être dispersés par les flammes d'un bûcher, la tête tournée vers le nord. En dernier recours, les corps ne pouvant être enterrés ou brûlés seraient être envoyés à la mer sur une barque en bois d’if, de cyprès ou de saule.
Si un mort ne faisait pas l’objet de l’un de ces rites, son âme resterait éternellement prisonnière du monde des vivants, condamnée à hanter les lieux et les personnes de son passé. Quant aux dieux, ils ne nécessiteraient aucun de ces rites mortuaires, car leurs corps divins ne connaîtraient pas la putréfaction, et leurs âmes grandioses ne pourraient jamais accéder au repos dans ce monde ni aucun autre.
L'Exil
Reine Corneille disparut du monde pour ne plus jamais y revenir. Le Chasseur enterra tous ceux qu’il trouvait ; l'Automne brûla les dépouilles de tous ceux qui étaient morts là où creuser était impossible ; et l'Océane emporta avec elle tous ceux pour qui elle fut capable de fabriquer des barques. Les âmes des défunts quittèrent leurs corps et s’en allèrent vers la Gisombre, première étape du périple des morts.
Les dépouilles imputrescibles du Dragon de Platine et du Gardien furent emportées par les dragons à l’horizon, et ils érigèrent deux somptueux mausolées en leur mémoire.
Le Gardien de l'Enfer
Lorsque les dieux livrèrent la Deuxième Guerre et vainquirent le Tyran, le champ de bataille fut à nouveau couvert par les dépouilles des combattants. Les oiseaux et les rats commencèrent à se nourrir de cet immense charnier, et un oiseau noir vint se poser devant l'Automne afin de lui transmettre un message de Reine Corneille. L’afflux d’âmes inquiétait la déesse de la Mort, qui craignait que les morts ne tentent d’échapper à l’Enfer. Afin de s’assurer que nul ne revienne parmi les vivants, Reine Corneille recommanda qu’un gardien soit désigné pour veiller sur l’Enfer est ses occupants.
Tous les dieux refusèrent de répondre à l'appel de la déesse de la mort. Ils se tournèrent alors vers l'un des anges que le Soleil-Père avait envoyé pour les assister dans la guerre. Cet ange déclara qu'il n'était pas un dieu. Ils lui répondirent que le Soleil-Père lui donnerait ce titre. Ainsi l'ange devint le gardien de l'Enfer. Il partit pour son nouveau royaume et y retrouva Reine Corneille. Elle lui expliqua que son devoir serait de veiller sur l’Enfer et ses occupants, bons comme mauvais, afin de s’assurer qu’ils ne tentent pas de s’en échapper. L'ange s’inclina devant la déesse, qui retourna en Gisombre. Il demanda ensuite aux morts de lui ériger un palais afin d’abriter le trône d’où il gouvernerait aux âmes défuntes, et tous se soumirent à sa volonté.
La Trahison
Le temps passait et le flot des morts semblait ne jamais se tarir. Peu à peu, le Gardien de l'Enfer se laissa gagner par l’amertume et la rancœur. Lui, le plus grand ange créé par le Soleil-Père, avait été envoyé servir là où aucun autre dieu n’avait accepté d’aller. Le domaine qui lui avait été confié n’était pas à la hauteur de ses exploits, et le désintérêt des autres dieux l’irritait.
Un grand nombre des âmes arrivant en Enfer étaient mal intentionnées, provenant des rejetons du panthéon du Mal. Peu à peu leurs présences, leurs murmures et leurs cris émoussèrent la volonté déjà vacillante du Roi Infernal, le convaincant qu’il avait été floué. Rongé par ses ruminations solitaires, il décida de libérer les âmes prisonnières de son domaine afin de s’accorder le calme et la paix tout en manifestant sa colère aux autres dieux.
Les morts se relevèrent en Weltilim, animés par la douleur et le désir de nuire aux vivants. Frappés par la terreur, les dieux demandèrent les explications et l’aide Reine Corneille. La déesse de la mort et de l’hiver expliqua qu’elle n’était pas responsable de cette nouvelle plaie, et que les âmes des morts revenus à la vie avaient été libérées de l’Enfer. A cet instant, tous comprirent ce qu’avait fait le Gardien de l'Enfer.
L’Ange de Tartarus
Incapable d’envoyer les âmes des morts en Enfer, Reine Corneille ne pouvait empêcher le cycle perpétuel de la renaissance des morts. Bientôt, Weltilim compta plus de revenants que de vivants. La déesse des morts demanda l’aide du Soleil-Père pour mettre fin à l’horreur et rétablir l’équilibre du cycle vital. Il décida de bannir temporairement le Gardien de l'Enfer en Tartarus et ordonna à neuf de ses anges de se rendre en Enfer afin d’y accueillir les âmes des morts. Le Soleil-Père, méfiant, prit soin de n’accorder à aucun d’eux la divinité.
Rencontrant neuf de ses semblables, le Roi Infernal comprit que son acte avait eut les effets escomptés. L'un des anges signifia au maître de l’Enfer qu'il était désormais condamné à l’enfermement en Tartarus, la prison divine. Il ne se rebella pas et accepta sa sanction. Il fut envoyé dans une cellule de Tartarus et privé de ses forces. Désormais seul, il se recueillit dans le silence et la paix de sa prison.
Lorsque le Gardien de l'Enfer eut purgé sa peine, il revint en son domaine infernal. Là, les neufs anges l'accueillirent. Ils lui demandèrent s'il était à nouveau prêt à régner sur les âmes des morts, comme le Soleil-Père l'avait autrefois exigé. Les anges acceptèrent sa réponse. Alors, le Roi Infernal leur demanda s'ils étaient prêts à lui céder leurs âmes, en gage de soumission et de respect. Huit d'entre eux s'inclinèrent devant lui, car il était leur maître et le premier des anges. Mais le neuvième refusa, car il avait prit goût au pouvoir et aimait diriger l’Enfer, profitant de la reconnaissance des dieux. Le Roi et le Régent tirèrent leurs armes et s’affrontèrent au pied du trône infernal.
Le Gardien de l'Enfer porta le coup fatal à l'Ange Régent. L'âme du Régent fut brisée en neuf morceaux, et le Roi Infernal usa de ces fragments pour former les Neufs Enfers. Il offrit un Enfer à chacun des anges qui s'étaient soumis à lui, puis il s'arrogea le domaine restant, le plus vaste et le plus terrible d'entre tous.
Le Châtiment du Déchu
Reine Corneille avertit le Soleil-Père des actes commis par le Roi Infernal, et le dieu lumineux entra dans une colère terrible. Il rayonna à travers l'univers et frappa le visage de celui qui l'avait trahi. Le dieu des Enfers fut privé de son apparence angélique et ses traits reflétèrent alors le vice et la ruse qui bouillonnaient en lui, instillés par les infectes paroles d'une déesse prisonnière de Tartatus. Les fidèles du Déchu subirent le même châtiment que leur maître et les huit anges se déformèrent sous la colère du Soleil-Père. La masse des âmes mortelles reçut également la punition divine, devenant les immondes diables esclaves du Roi Infernal, condamnés à servir leur tourmenteur.
Le Fleuve de Sang
La déesse de l'Amour et de la Beauté était l'amante du Déchu mais elle ne fit pas l’objet du courroux du Soleil-Père, car sa seule motivation avait été l’amour désintéressé. Néanmoins le Père ne pouvait rien faire pour libérer la déesse de l’emprise de son amant diabolique, aussi fut-elle condamnée à rester prisonnière des Enfers et à subir les sévices de son Roi.
Horrifiée par la malveillance et la laideur de celui qui avait été autrefois un ange, la Belle tenta de s’échapper des Enfers, en vain. Elle regretta amèrement l’amour pur que lui avait autrefois porté le défunt Artiste, et l’amour protecteur du farouche Chasseur. Le Roi Infernal enchaîna la déesse dans son palais et fit d’elle sa femme, abusant d’elle lorsque elle refusait de se livrer à ses vices. De cette union répugnante naquirent les succubes et les incubes, diaboliques créatures investies de la beauté de leur mère et de la malveillance de leur père.
Refusant de subir d’avantage de souffrances, la Belle se suicida sur le lit du diable. Les torrents de ses larmes et du sang de ses poignets se mêlèrent en un fleuve tourmenté, le Styx, tournant neuf fois autour des Enfers et séparant chaque domaine de ses flots vermeils.
Désormais isolé du monde et rongé par la haine, Asmodée comprit qu’il ne pourrait sortir des Enfers sans risquer d’être éradiqué. Il décida alors d’attendre patiemment son heure, envoyant ses serviteurs parmi les mortels afin d’acquérir toujours plus d’âmes. Ainsi, il élèverait une armée capable de dominer le monde sans partage, prenant ainsi sa revanche sur les dieux.
L'Eternel Devoir
En Gisombre, dans son palais glacé, la déesse de la mort guide le flot ininterrompu des âmes mortelles. L'attention de Reine Corneille ne se relâche jamais. De son œil noir, elle transperce les âmes et découvre leurs secrets.
Nombreux sont ses ennemis. Nombreux sont ceux qui veulent duper la Mort.
Les dieux ont quitté le monde. Imperturbable, elle accomplit son devoir. Depuis des siècles et pour l'éternité.
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