Culte des Esprits

Dans la clarté du matin, les fidèles se pressaient au Temple. C'était l'heure à laquelle le premier Sacrement de la journée devait avoir lieu, et d'ordinaire, chacun venait ici pour la bénédiction matinale. Mais aujourd’hui n'était pas comme d'habitude : les rôdeurs étaient revenus de leur repérage avant l'aube, avec d'inquiétantes nouvelles : une troupe de bandits stuviens approchait du petit village, sans défenses. Alors les fidèles s'étaient tournés vers ceux qui sauraient quoi faire, les prêtres des Esprits. Une tension palpable se faisait ressentir alors que le Grand Prêtre, un vieux merosis aux cheveux blanchis et à la peau d'un vert pâle appuyé sur une canne, tentait de rassurer les villageois. Vêtu d'une longue robe grise arborant le symbole des Trois, il masquait son appréhension. À côté de lui, un jeune orphelin, recueilli par le Temple quelques jours après sa naissance, s'assurait que chacun avait une place dans le Temple. Les rôdeurs étaient repartis dans la forêt pour repérer où en était la troupe de bandits, laissant le village protégé par quelques villageois équipés de fourches et de piques. D'un coup, la porte du Temple vola en éclat, brisée par une hache tenue par une brute protégée d'une épaisse armure de cuir. Du sang perlait sur le tranchant de sa hache, et le bandit s'avança, accompagné de trois camarades armés d'épées ou d'arbalètes.
– Vieillard ! S'exclama la brute qui les menait, tout en brandissant sa hache. Où se cache votre or ?
– Il n'y a pas d'or ici, simplement des âmes apeurées, répondit d'une voix douce le Grand Prêtre.
– Menteur ! Rétorqua le bandit. Regarde vos fausses idoles ! Elles ont certainement une valeur ! À moins que vous n'ayez caché vos richesses ? Demanda le bandit, un sourire narquois apparaissant sur son visage. Les autres bandits se dirigèrent vers les villageois, saisissant une femme et son fils, les battant tous les deux. Leur chef s'approcha du jeune novice, repoussant le grand prêtre qui s'était interposé. Jetant le petit au sol et posant un pied sur sa tête, il leva sa hache, et s'adressa aux villageois, qui gémissait devant l'horreur qui se profilait.
– Ne leur faîtes pas de mal, supplia le grand prêtre. Il n'y a pas d'or ici... Ne commettez pas l'offense suprême.
– Dis-moi où est votre or ! Cria t-il. Parle, ou le petit mourra, et toi après !
Le grand prêtre porta alors la main sur son symbole, qui luisait désormais d'une lueur blanche. Le grand prêtre se redressa, sans sa canne, tendant sa main en direction du bandit qui hésitait à frapper l'enfant. D'un coup, un éclair foudroyant jaillit de la paume du grand prêtre, frappant de plein fouet le bandit dans le torse, le projetant plusieurs mètres en arrière, le corps encore parcouru de spasme lorsqu'il toucha le sol, inconscient, laissant le jeune novice intact. Il se tourna vers les trois autres bandits, mais cette fois ci, il n'était plus seul : une forme gigantesque apparaissait derrière le grand prêtre, tel un protecteur au visage sans traits, deux ailes immenses déployées dans le dos. Une pure forme de lumière, illuminant la Salle des prières. Un bandit se jeta sur le grand prêtre, mais son coup fut détourné par l'Esprit Gardien, qui lui asséna un tel coup sur le crâne que le bandit s'effondra sur le sol, lui aussi inconscient. Malgré son âge avancé, le grand prêtre s'était précipité auprès de l'autel pour saisir son arme d'antan : une large masse d'arme ouvragée, qui arborait fièrement les cicatrices des combats victorieux. Le merosis courut en direction du bandit qui préparait son arbalète pour lui décocher un carreau, mais dans sa hâte, le projectile siffla à l'oreille du grand prêtre, qui en profita pour se rapprocher et porter un violent coup au visage du bandit, qui percuta ensuite le pavage du Temple. Dernier bandit, encore sous le choc, se détourna et prit la fuite, mais fut suivi par le grand prêtre
– Par Sainte Rathra, vous ne toucherez plus à un seul de leurs cheveux ! L'invectiva le grand prêtre, une rage bouillonnante aux bords des lèvres. Dis à ton chef que si vous revenez, les Trois et leurs Saints les enverront dans les Abysses ! Le merosis attendit de leur voir disparaître avant de s'effondrer sur le sol, épuisé par le combat. Le jeune novice accourut à ses côtés, soutenant le vieillard.
– Maître, vous les avez repoussés !
– Ce n'était pas moi, répondit le Grand Prêtre d'une voix douce. C'était les Esprits.

Résumé

D'après les adeptes du Temple , les Esprits sont des forces émergeant de l'Au-delà, autrement appelé Mertvym Snom. Les Esprits sont en quelque sorte des puissances extérieures, qui guident ou punissent les mortels. Toujours d'après les adeptes du Temple, les Esprits composent toute chose et sont à leur origine : ils sont le Monde.
Les Prêtres des Esprits disent que les Esprits sont composés de la matière même de l'Au-delà, un condensé d'énergie provenant de l'âme des défunts. Lorsqu'une personne ou un animal meurt, son âme, ou son essence vitale, rejoint l'Au-delà pour se mêler aux autres âmes. C'est l'Au-delà, par l'intermédiaire des Esprits, qui infuse le Monde et permet la vie. Il est donc primordial pour les adeptes du Temple que les âmes rejoignent l'Au-delà. Sans cela, la vie elle-même serait menacée.
Les Esprits sont nombreux et adoptent d'encore plus nombreuses formes. La plupart du temps, ils sont représentés sous une forme humanoïde et associé à un objet, un lieu ou une personne particulière. Mais tous les Esprits ne sont pas forcément visibles. La plupart du temps, ils demeurent dissimulés et agissent par l'intermédiaire d'évènements anodins : une porte qui claque, une chaise qui se brise, une bourrasque qui fait s'envoler des feuilles... Les présages sont légion et seuls les plus aguerris des prêtres du Temple savent les reconnaître et les lire. Ainsi, de nombreuses superstitions ont vu le jour en Rivenéant, la plupart infondées, mais inspirées par la crainte de la colère des Esprits. Dans les croyances du Temple, trois Esprits règnent sur l'Au-delà : Oronaï, Nrur'Gath et Mir Wae, et sont considérés comme des dieux.
Enfin, certains Esprits parviennent à former une image plus nette de leur empreinte passée. Ceux qui y parviennent étaient souvent des personnes remarquables, ayant marqué leurs contemporains avec leur force d'esprit et leur détermination. Ceux qui parviennent à transcender leur nature d'Esprits et à apparaître tels qu'ils étaient autrefois peuvent apporter de précieux conseils et présages aux mortels qui les écoutent, et sont révérés comme des Saints. Certains sont révérés de leur vivant comme l'incarnation d'un Esprit dans une enveloppe de chair mortelle.
Parmi les Saints les plus connus, on trouve Sainte Rathra, Saint Harter et Sainte Alma.

Les Trois Grands Esprits

De tous les mystères qui enveloppent le Mertvym Snom, il en existe un qui préoccupe les théologistes plus que les autres : les Trois Grands Esprits (ou plus communément appelés les Trois). Il est nécessaire de préciser que les Trois Grands Esprits sont asexués. Ainsi, les qualifier par un pronom, un nom ou un adjectif masculin n’est pas pertinent. On peut donc appeler les Grands Esprits par “il” ou “elle”. Les Trois règnent sur l'Au-Delà, chacun sur un Royaume différent.

Perception Culturelle

Dans chaque temple, les Trois sont vénérés en tant que patrons d'un plus grand cercle d'Esprits, les Saints Esprits du Temple. Les Saints à l'honneur dans chaque temple peuvent différer, suivant les coutumes et l'histoire locale. Quelques saints courants sont présentés ci-dessous.

Sainte Alma

Sainte Alma est la sainte patronne des mères, de la famille et des enfants. On ne sait pas vraiment qui elle était de son vivant, mais tous s’accordent sur le fait qu’il s’agissait d’une femme d’une grande bonté et d’un grand cœur, donnant sans compter et veillant sur ses enfants. Elle est la gardienne des foyers, et sans aucun doute l’une des Saints Patrons les plus révérés : sur (presque) chaque porte d’une maison, on peut trouver un petit symbole à son effigie, qu’il soit gravé à l’entrée, sur le linteau ou bien qu’un petit autel lui soit dédié. Malheur à celui qui voudrait profaner ses symboles ! On la représente sous les traits d’une femme mûre veillant sur un berceau ou d’une gerbe de blé enveloppée d’un voile, symbole de fertilité et d’abondance.

Saint Harter

Saint Harter est le saint patron de la force, de la lutte et des exploits guerriers, et était de son vivant l’un des plus puissants guerriers et athlètes ayant jamais existé, terrassant ses ennemis de la seule force de ses poings. Il parvint à tuer une meute d’ours sanguinaires qui menaçaient un village isolé dans les montagnes, à empêcher la crue d’un fleuve qui allait ravager une ville en abattant une forêt et s’en servant comme barrage. Les guerriers et les barbares le révèrent, car il symbolise la détermination et les exploits que l’on peut accomplir grâce à sa force et sa puissance. Saint Harter est souvent représenté sous la forme d’un poing fermé tenant une hache.

Sainte Rathra

Sainte Rathra est la protectrice des pêcheurs et des marins, qui la vénèrent et qui l’aiment presque plus que les Trois. Rathra fut la femme d’un pêcheur qui mourut en mer, et qui s’aimaient éperdument. Elle patienta toute sa vie au bord de la plage, attendant le retour de son mari, convaincue qu’il reviendrait un jour. Lorsque la mort vint la prendre, on dit qu’elle s’était avancée dans la mer jusqu’à avoir l’eau jusqu’aux genoux, et qu’une vague vint doucement la rattraper, l’enveloppant presque affectueusement avant de l’emmener reposer auprès de son mari. La sagesse de Rathra était légendaire, tout comme sa bonté, et bien des villageois venaient la trouver pour lui demander conseil. La plupart des histoires racontent que Rathra pouvait commander aux animaux marins, ce qu’elle faisait régulièrement pour demander des nouvelles de son mari. Aujourd’hui, bien des marins et pêcheurs en réfèrent à elle comme la Sainte Veuve, et bien des expressions qu’ils utilisent lui font référence. Citons par exemple “en avoir jusqu’aux genoux”, une expression signifiant qu’une personne va bientôt mourir, ou bien “parler aux goélands”, qui signifie parler dans le vide, ou bien avoir un rêve irréalisable. Les marins rendent hommage à Sainte Rethra avant d’entreprendre le moindre voyage, et il n’est pas rare de voir un petit autel de bois dédié à la Sainte dans tous les ports et maisons de villages côtiers. Les marins offrent des plumes d’oiseaux marins à la sainte, et la coutume veut que lors d’un mariage, les deux époux fabriquent un petit nid de bois comme les goélands et les mouettes, et qu’ils le gardent toute leur vie. Les pêcheurs quant à eux offrent toujours un poisson aux oiseaux marins avant le début de la pêche et un autre au retour. Ceux qui dérogent à la coutume risque de s’attirer le courroux des Salins, les fantômes de ceux qui sont morts en mer. Ainsi, les oiseaux de mer suivent souvent les pêcheurs, friands qu’ils sont, et ils permettent ainsi au pêcheur de savoir où est la côte, mais aussi que Sainte Rathra veille sur eux.

Saint Rothber

De son vivant, Rothbert fut un chasseur hors-pair, un tueur de monstres. Il parcourut les nouveaux Royaumes Exilés, abattant sa fureur et son courroux sur ceux qui menaçaient les Exilés. On raconte qu'il tua des chimères, manticores et autres horreurs qui terrorisaient les villages isolés. Toute sa vie, il traqua une créature légendaire, une abomination reptilienne qui avait tué sa famille toute entière. Lorsqu'il trouva la mort, ce ne fut qu'en affrontant cette créature, mais l'histoire ne raconte pas si l'abomination périt par la main de Rothber. Quelques sombres histoires vinrent cependant ternir l'héritage glorieux de Rothber : dans sa rage et sa quête de vengeance, il commit des crimes et des meurtres pour retrouver la créature qu'il traquait. Rothber fut canonisé quelques années après sa mort, mais sa dépouille ne fut jamais trouvée. Il est aujourd'hui révéré comme un saint protecteur, mais aussi un saint militant. Il représente le courage, la bravoure et la ténacité, mais aussi la vengeance et la témérité. Il est le saint patron auquel on implore la protection lorsque l'on se lance dans une quête risquée, ou bien si l'on souhaite abattre sa vengeance sur ses ennemis.

Organisations associées

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