Les Mercenaires
Il y a bien des raisons de prendre les armes. Le patriotisme, la foi en une cause ou l’espoir d’un changement font partie des plus fréquentes. Mais ce ne sont pas les plus rentables. Pour certains, ces grandes idées ne font pas le poids face à une bourse rebondie. Lorsque la vénalité et une conscience élastique s’allient chez un homme à un certain talent pour le combat, une carrière paraît toute indiquée : le mercenariat.
Les premiers mercenaires apparurent lorsque les communautés organisées commencèrent à se disputer des ressources, des régions ou des positions stratégiques. Moins coûteux qu’une force militaire permanente, jetables après usage, les mercenaires n’étaient encore que des brigands plus ou moins organisés. Faire appel à eux n’était pas sans danger, mais leurs talents et leur férocité valaient souvent les risques encourus. Ils étaient généralement les soldats les plus aguerris d’un conflit, décidant plus souvent qu’à leur tour de son dénouement. Travaillant fréquemment pour les Bathrahabans, les compagnies mercenaires apprirent peu à peu à négocier leurs talents. Elles n’étaient pourtant encore qu’un assemblage hétéroclite d’unités ou de tribus vouées au combat. Ce n’est qu’avec l’empire dérigion que les compagnies prirent leurs structures actuelles.
L’Empire utilisait couramment les mercenaires. Certaines tâches discrètes étaient plus adaptées à leur taille réduite qu’à celle de l’armée régulière. D’autres actions – moins glorieuses – avaient tout à gagner à rester hors des cercles officiels. Enfin, l’Empire se retrouva vite lié à certaines compagnies particulières, descendantes directes des vieilles familles dess, refusant d’abandonner leur mode de vie nomade. Des traités et des accords furent conclus, qui structurèrent la vie et les droits des mercenaires et perdurent encore. Le Code des compagnies était né.
Le terme soldat rassemble tout ce que Tanæphis compte de guerriers, qu’ils servent sous un uniforme ou agissent pour leur propre compte. Brigand organisé ou légionnaire vorozion, peu importe : c’est d’un soldat qu’il s’agit. Ils sont considérés comme les interlocuteurs privilégiés des mercenaires, et le négociateur d’une compagnie préférera toujours parler à un officier milicien qu’à un chef de village. Lorsqu’une compagnie traite avec une nation, cela se fait par le biais des officiers des armées régulières et nombre d’entre elles ont des spécialistes dévolus à cette tâche.
Les mercenaires ne considèrent jamais un soldat régulier comme leur égal ; son asservissement à une nation, à une terre, le rapproche trop d’un paysan. Mais il vaut mieux traiter avec un homme ayant déjà manié l’épée, donné la mort, qu’avec un potier ou un marchand pour qui le combat n’est qu’un concept lointain.
Les populations civiles sont définies dans le Code, mais la manière de les traiter est largement laissée à l’appréciation de chaque compagnie. En fait, ce sont davantage les contrats et les affaires qui orienteront le comportement des mercenaires. Certaines bannières imposent tout de même à ceux qui les servent un comportement particulier, et leur approche provoquera soulagement ou terreur parmi la populace, selon la réputation de chacune.
Les mercenaires sont le sujet d’une large partie du Code. En plus de la liste des compagnies existantes, de leurs prérogatives et de leurs obligations, le Code définit tout une règle de vie pour les frères liés. Ce terme désigne tout homme ayant prêté serment sous une bannière. Le frère rejoint alors une compagnie, mais surtout la grande famille des mercenaires, et cela jusqu’à sa mort.
Chaque compagnie a ainsi son style, ses habitudes et sa réputation bien à elle. Il existe un peu plus de trois cents compagnies admises au Code, ayant chacune hérité d’un nom et d’une symbolique particulière. L’élément essentiel, aux yeux des frères, est l’étendard. Il s’agit d’une arme d’hast – lance, hallebarde, faux, bardiche… – ornée d’une bannière de forme et de longueur variable et de colifichets représentatifs de la fraternité.
On peut rejoindre les mercenaires par envie, désespoir ou désir de vengeance, mais ce sera de toute façon une décision définitive. Les frères n’acceptent pas un candidat agissant sur un coup de tête et font parfois lanterner le postulant plusieurs mois. Les talents et la motivation sont jugés, de même que la capacité à s’intégrer à la compagnie. Certains capitaines pratiquent des tests et des concours avant de recruter, alors que d’autres se contentent d’une liste de conditions à remplir. Là encore, chaque étendard a ses habitudes et le capitaine est tout puissant. Une fois accepté, le nouveau mercenaire se retrouve sous la juridiction du Code. Ses obligations essentielles sont de participer à la vie de la compagnie, de combattre en son sein et de protéger ses frères.
Assez semblable à une tribu ou une famille nomade, la compagnie a ses propres règles qui se substituent à celle des nations. Le Code place la loi mercenaire au-dessus des lois locales, mais les frères observent la plupart du temps une réserve prudente par rapport à de futurs employeurs. Perpétuellement sur la route, les mercenaires partagent le temps entre « les réserves », périodes calmes entre deux missions, et les « affaires » où la compagnie s’engage auprès d’un employeur pour une bataille, une mission ou une guerre.
Le jaseur ou négociateur est l’homme de confiance du lieutenant. Il l’accompagne lorsqu’un contrat est en préparation ou lors des discussions commerciales. Même si on attend de lui qu’il connaisse les arcanes de la diplomatie, il reste un guerrier et sert à la bataille parmi ses frères. Quelques compagnies intègrent dans leurs rangs des légistes ou des scribes lorsqu’elles doivent négocier avec une nation particulièrement rouée, mais ils ne sont jamais acceptés dans la fraternité à moins de participer aussi aux combats. Ils restent le plus souvent des employés, et aussi bien intégrés qu’ils soient, ne seront jamais plus.
Le recteur est le garant du respect du Code. Souvent né dans le monde mercenaire, il connaît l’esprit et la lettre du Code, se souvient de chaque bannière, de chaque capitaine, et collectionne nouvelles et rumeurs avec passion. Présidant les tribunaux mercenaires, lorsqu’un frère est jugé pour faute, il prononce la sentence que devra confirmer le capitaine. Selon la compagnie, il peut s’agir d’une figure d’inquisiteur ou d’un frère très apprécié, mais nul ne s’y trompe : les recteurs sont l’âme des compagnies, au même titre que les bannières et le Code.
Les maîtres sont les officiers des diverses unités de la compagnie. Ce sont des mercenaires ayant une certaine expérience et, souvent, la réputation qui va avec. Dans la plupart des compagnies, chaque maître choisit ses hommes afin de composer une équipe soudée et efficace. Certaines sont spécialisées, d’autres polyvalentes, selon l’étendard qu’elles servent et l’organisation de la compagnie.
L’étendard est souvent un jeune soldat ou un civil intégré à la compagnie comme une sorte de mascotte. Son rôle se bornant à tenir une lance ornée, les extérieurs ne se rendent pas bien compte de son importance. Si l’on compare la compagnie à une famille, il est le petit neveu que tout le monde protège et adore, le chouchou de la bande. Même dans les pires vendettas entre mercenaires, toucher au « petit » est un tabou que seuls les fous enfreignent.
Il existe une foule d’autres rôles possibles dans une compagnie, mais seuls ceux qu’on vient de citer sont obligatoires au regard du Code. De nos jours, le soigneur, le meneur de cavalerie et le maître-éclaireur sont présents dans presque chaque troupe, mais d’autres fonctions plus étranges sont nées ailleurs. Les meneurs de dogues se sont développés, de même que les empoisonneurs et manipulateurs d’épices, mais aussi les chroniqueurs ou les forgerons de campagne. La créativité humaine est sans limite quand il s’agit de s’entretuer ; alors imaginez celle d’hommes ne vivant que pour et par la guerre.
On le voit, le client n’est jamais évoqué, et la compagnie ne se soumet qu’à une mission, jamais à un maître, encore moins à une cause. Le seul droit de l’employeur, une fois le contrat signé, est de l’annuler. Une renégociation ou une modification du contrat de base sont toujours possibles, mais imposent toujours des surprimes sur lesquelles le capitaine et le négociateur se montrent intraitables.
Les affaires les plus courantes sont celles qui engagent les compagnies au sein d’une guerre de frontières. Les nations utilisent les mercenaires comme soutient, pour les reconnaissances ou la sécurisation d’une région conquise. Les actions difficiles, risquées ou sordides entrent facilement dans les attributions des compagnies. En fait, les missions qui risquent de tendre ou de mécontenter l’armée officielle finissent régulièrement en affaires.
La répression d’émeutes ou de rébellion fait partie de ces missions particulières. Plutôt que d’envoyer un soldat contre ses concitoyens, les autorités leur préfèrent des mercenaires moins enclins à écouter les revendications des agités. Les Vorozions, par exemple, sont d’excellents clients de cette solution. Ayant eux-mêmes réussi leur révolution en retournant plusieurs armées régionales contre Pôle, ils savent quel risque il y a à opposer un soldat et son propre peuple. Ces affaires contribuent beaucoup à la mauvaise réputation des compagnies auprès des civils.
Les guildes marchandes engagent parfois une compagnie afin de protéger une caravane particulièrement importante, mais ce n’est pas le plus courant. Lorsque les routes deviennent dangereuses, les mercenaires sont surtout embauchés pour la chasse aux Sekekers ou chargés de sécuriser un secteur le temps que les brigands locaux se lassent et changent de pâtures.
Les affaires de combat pur ne sont pas, en fait, les plus fréquentes, même si l’imaginaire populaire continue à croire le contraire. Les plus courantes sont celles concernant une bataille, et la compagnie est alors intégrée à un des camps sous une forme correspondant à ses effectifs. Les clients sont souvent tentés de placer les mercenaires en première ligne, mais les négociateurs ajustent les primes demandées aux risques encourus. S’ils les envoient sans hésiter sur les points les plus chauds, les stratèges n’utilisent que rarement les mercenaires aux points-clefs d’un affrontement. Moins fidèles ou impliqués que les soldats citoyens, les frères ne sont que rarement prêts à mourir bêtement pour tenir une position inutile. Quelques compagnies, pourtant, sont connues pour ne reculer devant rien pour accomplir leurs affaires, quitte à y laisser leur peau.
Un engagement plus long, pour une campagne ou un assaut de longue haleine, est une affaire sérieuse et lucrative. Peu de nations peuvent se permettre de payer une compagnie sur de longues durées, tant les primes exigées sont lourdes. Pôle, qui emploie des compagnies année après année pour sa défense, engloutit des sommes folles dans ces affaires. Beaucoup de mercenaires estiment qu’en vérité, la survie de l’Empire est à mettre au compte des compagnies et d’elles seules.
Une Arme peut suivre une compagnie quelques temps, simplement en étant ramassée par un frère. C’est alors l’Arme qui suit son Porteur et non l’inverse. Toute Arme assez ouverte pour accepter cet état de fait est bonne pour le service. Qu’elle reste dans l’unité le temps d’un Porteur, de deux ou d’une centaine, ce sera toujours en passant des mains d’un frère à un autre. Si aucun candidat ne convient à une Arme, elle se charge elle-même du recrutement, quittant parfois l’unité un temps pour cela. Même là, si elle revient avec un candidat qui lui convient, c’est encore au capitaine que reviendra le dernier mot.
Les capitaines Porteurs ne sont pas rares, mais la plupart n’ont en main qu’une Arme-mineure. Les frères sont souvent nerveux à l’idée de suivre les désirs d’une Arme plutôt que les intérêts de la bannière. En conséquence, lorsqu’une Arme-majeure et son Porteur dirigent une compagnie, celle-ci comporte alors souvent plus d’Armes qu’à l’ordinaire. Elle est considérée comme une « compagnie de Porteurs » même s’ils y restent largement minoritaires. Ces compagnies sont rares, célèbres, et l’histoire de chacune pourrait faire l’objet d’une saga. Les Armes de ces compagnies sont les seules dont on pourrait considérer qu’elles sont « engagées ». Ayant suivi un étendard depuis plusieurs siècles, elles sont devenues parties intégrantes de la compagnie, et seuls une révélation ou un événement majeur les feraient la quitter.
L’origine du mercenariat
Il y a toujours eu, sur Tanæphis, des hommes nés pour le combat, connaissant d’instinct la bonne manière de tuer et celle de survivre. Les plus doués organisèrent les premières tribus, constituèrent les premiers royaumes, contribuant au chaos général de l’âge des légendes. La civilisation gagnant peu à peu du terrain, l’organisation et le charisme devinrent des talents nécessaires aux chefs des communautés, et les brutes perdirent progressivement du terrain.Les premiers mercenaires apparurent lorsque les communautés organisées commencèrent à se disputer des ressources, des régions ou des positions stratégiques. Moins coûteux qu’une force militaire permanente, jetables après usage, les mercenaires n’étaient encore que des brigands plus ou moins organisés. Faire appel à eux n’était pas sans danger, mais leurs talents et leur férocité valaient souvent les risques encourus. Ils étaient généralement les soldats les plus aguerris d’un conflit, décidant plus souvent qu’à leur tour de son dénouement. Travaillant fréquemment pour les Bathrahabans, les compagnies mercenaires apprirent peu à peu à négocier leurs talents. Elles n’étaient pourtant encore qu’un assemblage hétéroclite d’unités ou de tribus vouées au combat. Ce n’est qu’avec l’empire dérigion que les compagnies prirent leurs structures actuelles.
L’Empire utilisait couramment les mercenaires. Certaines tâches discrètes étaient plus adaptées à leur taille réduite qu’à celle de l’armée régulière. D’autres actions – moins glorieuses – avaient tout à gagner à rester hors des cercles officiels. Enfin, l’Empire se retrouva vite lié à certaines compagnies particulières, descendantes directes des vieilles familles dess, refusant d’abandonner leur mode de vie nomade. Des traités et des accords furent conclus, qui structurèrent la vie et les droits des mercenaires et perdurent encore. Le Code des compagnies était né.
Le code
Amendé périodiquement, défendu par les plus traditionalistes et débattu avec passion par les légistes de toutes les nations, le Code est devenu une véritable institution. Il s’agit aujourd’hui d’une vaste collection d’articles, de textes exposant les spécificités des mercenaires et la manière dont ils doivent être traités et doivent traiter les autres. Au sein d’une Compagnie, les spécialistes du Code sont généralement le recteur et le négociateur. Le premier se charge d’appliquer le Code au sein de la compagnie, le second s’occupe des négociations avec les extérieurs. Le Code sépare en effet les hommes en trois grandes catégories : les soldats, les civils et les mercenaires.Le terme soldat rassemble tout ce que Tanæphis compte de guerriers, qu’ils servent sous un uniforme ou agissent pour leur propre compte. Brigand organisé ou légionnaire vorozion, peu importe : c’est d’un soldat qu’il s’agit. Ils sont considérés comme les interlocuteurs privilégiés des mercenaires, et le négociateur d’une compagnie préférera toujours parler à un officier milicien qu’à un chef de village. Lorsqu’une compagnie traite avec une nation, cela se fait par le biais des officiers des armées régulières et nombre d’entre elles ont des spécialistes dévolus à cette tâche.
Les mercenaires ne considèrent jamais un soldat régulier comme leur égal ; son asservissement à une nation, à une terre, le rapproche trop d’un paysan. Mais il vaut mieux traiter avec un homme ayant déjà manié l’épée, donné la mort, qu’avec un potier ou un marchand pour qui le combat n’est qu’un concept lointain.
Les populations civiles sont définies dans le Code, mais la manière de les traiter est largement laissée à l’appréciation de chaque compagnie. En fait, ce sont davantage les contrats et les affaires qui orienteront le comportement des mercenaires. Certaines bannières imposent tout de même à ceux qui les servent un comportement particulier, et leur approche provoquera soulagement ou terreur parmi la populace, selon la réputation de chacune.
Les mercenaires sont le sujet d’une large partie du Code. En plus de la liste des compagnies existantes, de leurs prérogatives et de leurs obligations, le Code définit tout une règle de vie pour les frères liés. Ce terme désigne tout homme ayant prêté serment sous une bannière. Le frère rejoint alors une compagnie, mais surtout la grande famille des mercenaires, et cela jusqu’à sa mort.
La vie sous l'étendard
Si le mercenariat existe depuis la nuit des temps, il ne s’est vraiment structuré qu’avec la naissance de l’empire dérigion. Les bandes de guerriers errants, les tribus nomades Dess radicales et quelques brigands irréductibles comprirent qu’une puissance comme celle de Pôle ne pourrait accepter leur survie en l’état. En créant le Code, ils fournirent aux civils une impression de stabilité rassurante et aux armées des règles simples à suivre pour traiter avec eux. En s’inventant un mode de vie et des coutumes propres, elles se séparèrent des nations et des puissances naissantes, assurant ainsi leur indépendance à long terme.Chaque compagnie a ainsi son style, ses habitudes et sa réputation bien à elle. Il existe un peu plus de trois cents compagnies admises au Code, ayant chacune hérité d’un nom et d’une symbolique particulière. L’élément essentiel, aux yeux des frères, est l’étendard. Il s’agit d’une arme d’hast – lance, hallebarde, faux, bardiche… – ornée d’une bannière de forme et de longueur variable et de colifichets représentatifs de la fraternité.
On peut rejoindre les mercenaires par envie, désespoir ou désir de vengeance, mais ce sera de toute façon une décision définitive. Les frères n’acceptent pas un candidat agissant sur un coup de tête et font parfois lanterner le postulant plusieurs mois. Les talents et la motivation sont jugés, de même que la capacité à s’intégrer à la compagnie. Certains capitaines pratiquent des tests et des concours avant de recruter, alors que d’autres se contentent d’une liste de conditions à remplir. Là encore, chaque étendard a ses habitudes et le capitaine est tout puissant. Une fois accepté, le nouveau mercenaire se retrouve sous la juridiction du Code. Ses obligations essentielles sont de participer à la vie de la compagnie, de combattre en son sein et de protéger ses frères.
Assez semblable à une tribu ou une famille nomade, la compagnie a ses propres règles qui se substituent à celle des nations. Le Code place la loi mercenaire au-dessus des lois locales, mais les frères observent la plupart du temps une réserve prudente par rapport à de futurs employeurs. Perpétuellement sur la route, les mercenaires partagent le temps entre « les réserves », périodes calmes entre deux missions, et les « affaires » où la compagnie s’engage auprès d’un employeur pour une bataille, une mission ou une guerre.
Rôles et positions
Une compagnie rassemble de trente à trois cents hommes, sous le commandement d’un capitaine. Celui-ci désigne publiquement son second parmi les membres, qui le remplacera à sa mort. En attendant, il est le lieutenant de la compagnie, représentant officiel auprès des civils. Si une bataille prive la troupe de ses deux têtes, un capitaine est alors élu par acclamation par l’ensemble des frères.Le jaseur ou négociateur est l’homme de confiance du lieutenant. Il l’accompagne lorsqu’un contrat est en préparation ou lors des discussions commerciales. Même si on attend de lui qu’il connaisse les arcanes de la diplomatie, il reste un guerrier et sert à la bataille parmi ses frères. Quelques compagnies intègrent dans leurs rangs des légistes ou des scribes lorsqu’elles doivent négocier avec une nation particulièrement rouée, mais ils ne sont jamais acceptés dans la fraternité à moins de participer aussi aux combats. Ils restent le plus souvent des employés, et aussi bien intégrés qu’ils soient, ne seront jamais plus.
Le recteur est le garant du respect du Code. Souvent né dans le monde mercenaire, il connaît l’esprit et la lettre du Code, se souvient de chaque bannière, de chaque capitaine, et collectionne nouvelles et rumeurs avec passion. Présidant les tribunaux mercenaires, lorsqu’un frère est jugé pour faute, il prononce la sentence que devra confirmer le capitaine. Selon la compagnie, il peut s’agir d’une figure d’inquisiteur ou d’un frère très apprécié, mais nul ne s’y trompe : les recteurs sont l’âme des compagnies, au même titre que les bannières et le Code.
Les maîtres sont les officiers des diverses unités de la compagnie. Ce sont des mercenaires ayant une certaine expérience et, souvent, la réputation qui va avec. Dans la plupart des compagnies, chaque maître choisit ses hommes afin de composer une équipe soudée et efficace. Certaines sont spécialisées, d’autres polyvalentes, selon l’étendard qu’elles servent et l’organisation de la compagnie.
L’étendard est souvent un jeune soldat ou un civil intégré à la compagnie comme une sorte de mascotte. Son rôle se bornant à tenir une lance ornée, les extérieurs ne se rendent pas bien compte de son importance. Si l’on compare la compagnie à une famille, il est le petit neveu que tout le monde protège et adore, le chouchou de la bande. Même dans les pires vendettas entre mercenaires, toucher au « petit » est un tabou que seuls les fous enfreignent.
Il existe une foule d’autres rôles possibles dans une compagnie, mais seuls ceux qu’on vient de citer sont obligatoires au regard du Code. De nos jours, le soigneur, le meneur de cavalerie et le maître-éclaireur sont présents dans presque chaque troupe, mais d’autres fonctions plus étranges sont nées ailleurs. Les meneurs de dogues se sont développés, de même que les empoisonneurs et manipulateurs d’épices, mais aussi les chroniqueurs ou les forgerons de campagne. La créativité humaine est sans limite quand il s’agit de s’entretuer ; alors imaginez celle d’hommes ne vivant que pour et par la guerre.
Les affaires
Le Code définit ceci : « L’affaire est un engagement d’une durée maximale d’une année. Par cet engagement, la compagnie s’oblige à remplir la mission fixée, en échange du paiement fixé. La compagnie lie ses moyens, ses hommes et sa réputation à la mission, renonçant à tout autre engagement ou serment jusqu’à la fin de celui-ci ».On le voit, le client n’est jamais évoqué, et la compagnie ne se soumet qu’à une mission, jamais à un maître, encore moins à une cause. Le seul droit de l’employeur, une fois le contrat signé, est de l’annuler. Une renégociation ou une modification du contrat de base sont toujours possibles, mais imposent toujours des surprimes sur lesquelles le capitaine et le négociateur se montrent intraitables.
Les affaires les plus courantes sont celles qui engagent les compagnies au sein d’une guerre de frontières. Les nations utilisent les mercenaires comme soutient, pour les reconnaissances ou la sécurisation d’une région conquise. Les actions difficiles, risquées ou sordides entrent facilement dans les attributions des compagnies. En fait, les missions qui risquent de tendre ou de mécontenter l’armée officielle finissent régulièrement en affaires.
La répression d’émeutes ou de rébellion fait partie de ces missions particulières. Plutôt que d’envoyer un soldat contre ses concitoyens, les autorités leur préfèrent des mercenaires moins enclins à écouter les revendications des agités. Les Vorozions, par exemple, sont d’excellents clients de cette solution. Ayant eux-mêmes réussi leur révolution en retournant plusieurs armées régionales contre Pôle, ils savent quel risque il y a à opposer un soldat et son propre peuple. Ces affaires contribuent beaucoup à la mauvaise réputation des compagnies auprès des civils.
Les guildes marchandes engagent parfois une compagnie afin de protéger une caravane particulièrement importante, mais ce n’est pas le plus courant. Lorsque les routes deviennent dangereuses, les mercenaires sont surtout embauchés pour la chasse aux Sekekers ou chargés de sécuriser un secteur le temps que les brigands locaux se lassent et changent de pâtures.
Les affaires de combat pur ne sont pas, en fait, les plus fréquentes, même si l’imaginaire populaire continue à croire le contraire. Les plus courantes sont celles concernant une bataille, et la compagnie est alors intégrée à un des camps sous une forme correspondant à ses effectifs. Les clients sont souvent tentés de placer les mercenaires en première ligne, mais les négociateurs ajustent les primes demandées aux risques encourus. S’ils les envoient sans hésiter sur les points les plus chauds, les stratèges n’utilisent que rarement les mercenaires aux points-clefs d’un affrontement. Moins fidèles ou impliqués que les soldats citoyens, les frères ne sont que rarement prêts à mourir bêtement pour tenir une position inutile. Quelques compagnies, pourtant, sont connues pour ne reculer devant rien pour accomplir leurs affaires, quitte à y laisser leur peau.
Un engagement plus long, pour une campagne ou un assaut de longue haleine, est une affaire sérieuse et lucrative. Peu de nations peuvent se permettre de payer une compagnie sur de longues durées, tant les primes exigées sont lourdes. Pôle, qui emploie des compagnies année après année pour sa défense, engloutit des sommes folles dans ces affaires. Beaucoup de mercenaires estiment qu’en vérité, la survie de l’Empire est à mettre au compte des compagnies et d’elles seules.
Les armes-dieux
Les Dieux ne sont jamais considérés comme des frères à part entière, mais ils sont pourtant admis dans les compagnies depuis les toutes premières années du Code. Qu’un humain consacre sa vie au combat et construise un mode de vie autour de cela n’avait rien de nouveau. Cependant, le contrat mercenaire, alliant liberté et engagement, passionna de nombreuses Armes qui suivirent les premières bannières avec curiosité. Peu à peu, les Armes et les capitaines apprirent à se connaître, et certaines finirent même par prêter serment.Une Arme peut suivre une compagnie quelques temps, simplement en étant ramassée par un frère. C’est alors l’Arme qui suit son Porteur et non l’inverse. Toute Arme assez ouverte pour accepter cet état de fait est bonne pour le service. Qu’elle reste dans l’unité le temps d’un Porteur, de deux ou d’une centaine, ce sera toujours en passant des mains d’un frère à un autre. Si aucun candidat ne convient à une Arme, elle se charge elle-même du recrutement, quittant parfois l’unité un temps pour cela. Même là, si elle revient avec un candidat qui lui convient, c’est encore au capitaine que reviendra le dernier mot.
Les capitaines Porteurs ne sont pas rares, mais la plupart n’ont en main qu’une Arme-mineure. Les frères sont souvent nerveux à l’idée de suivre les désirs d’une Arme plutôt que les intérêts de la bannière. En conséquence, lorsqu’une Arme-majeure et son Porteur dirigent une compagnie, celle-ci comporte alors souvent plus d’Armes qu’à l’ordinaire. Elle est considérée comme une « compagnie de Porteurs » même s’ils y restent largement minoritaires. Ces compagnies sont rares, célèbres, et l’histoire de chacune pourrait faire l’objet d’une saga. Les Armes de ces compagnies sont les seules dont on pourrait considérer qu’elles sont « engagées ». Ayant suivi un étendard depuis plusieurs siècles, elles sont devenues parties intégrantes de la compagnie, et seuls une révélation ou un événement majeur les feraient la quitter.
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