Dans les rues du quartier irlandais; des foules composées de bonnes gensses de tous âges tapaient des couvercles ou de grandes cuillères de bois contre les parois de chaudrons ou de casseroles afin de tonner l'alarme. Derrière le passage de cette fanfare aussi chaotique qu'impromptue, des hommes et des femmes sortaient des maisons, sautaient des balcons, ramassant mousquets, massues ou bâtons avant de rejoindre leurs barricades respectives qui fortifiaient chaque intersection. Sa y'est cette fois, disait-on. Ils montaient tous au front des grévistes aux marmitons, des barbes blanches à ceux qui n'avaient pas encore un poil au menton. Au loin tonnaient déjà les canons, rien pour entraver leur action. Sur la barricade devant le parc des Braves où s'était autrefois tenue la bataille de Ste-Foy, une femme portant une cape à ample capuchon rouge encourageait la foule avec un discours bien senti, debout sur les gravats empilées, la Fille du Roy que plusieurs chuchotaient être Mère Grand semait un peu plus de courage dans les coeurs de ceux qui seraient bientôt au coude-à-coude avec les chiens de l'empire '' Aux armes citoyens! La longue nuit s'achève! Nous voilà à l'aube des lendemains qui chantent! Une fois une autre: Aux barricades! Afin que chacun travail à sa faim et personne à sa peine! Nous ne demandons pas la mer à boire, seulement que les fruits de notre sueur nous permettent d'avoir de quoi manger et mettre un toit sur notre tête! Et si nous sommes debout aujourd'hui, c'est pour nous faire entendre d'un empire trop longtemps resté sourd à notre misère et aveugle à notre souffrance! Aux armes citoyens! '' Plus loin, aux intersections des volontés; le sang coulait déjà sur les pavés. Les grévistes forcenés, les irlandais enragés et les Filles du Roy indignées s'accrochaient à chaque trottoir, chaque balcon, faisant payer aux lignes anglaises un lourd tribut pour chaque pas avancé sur Blackchapel la rebelle, laissant derrière leur passage une litière de corps calcinés par le feu des Filles, mutilés par la colère des ouvriers, décharnés par la témérité des irlandais trop heureux de se venger d'un empire détesté depuis des générations. Ils avançaient toujours plus loin dans le ventre de la bête, saccageant façades et devantures sur leur passage, ne se doutant pas que le repli de chaque barricade, bien que coûteux, ne visait qu'à jeter les tuniques rouges dans la gueule du loup. Les rebelles se mettaient à table et ce soir, on comptait bien manger du Hates. Lorsque les soldats débouchèrent sur la place où les attendaient de pieds fermes les rebelles, un silence de mort s'abattit soudainement et de longues secondes s'égrainèrent avant que qui que se soit ne bouge ou ne parle. Raconte-t-on. Puis, une jeune femme portant une cape au capuchon rouge dit à son voisin: "Never thought I'd die side by side with an Irishman" "How about side by side with a friend?" "Aye. I could do that" Puis la Fille du Roy et l'irlandais enjambèrent côte à côte la barricade devant eux en hurlant et en brandissant un drapeau rouge et noir, aussitôt rejoint par un raz-de-marrée composée de la colère de ceux trop longtemps spoliés par le mépris des patrons, mais c'est sur cette place qu'ils ne refuseraient pas, pour une ultime fois, d'être écrasé sous les bottes de leurs matons. On dit qu'on ne peut contrôler que seul trois forces de la nature: le feu, l'eau... et le peuple. Devant une telle vague, les lignes des tuniques rouges se disloquèrent, Blackchapel la Rebelle ne cèderait pas un pouce de plus et on raconte que les plus enragés poursuivirent les survivants terrorisés jusqu'aux murs de La Citadelle. C'est ce que raconte la murale qui est apparue coeur du quartier, quelques jour à peine après la bataille, au détour des docks, en enfilade au bout d'une grand place sur le côté briquelé d'un immeuble trône celle-ci afin de commémoré la bataille qui fut baptisée '' Red hood Stand '' .