Au crépuscule de l'automne, il fallait briser cette noix pour forcer la flotte à partir pour Halifax, avait dit un des leaders patriotes. Alors, caché derrière un parapet de pierres sur la devanture d'une boutique éventrée par la guerre, le milicien de la petite paroisse de St-Émile de la Neuve-Châtel serrait contre lui son fusil, attendant l'ordre de se lever afin de couvrir les mortels mètres qui les séparaient des murs ceinturant le port de la Navy. Le guerrier Wendate aux tempes grisonnantes à ses côtés posa une main apaisante sur son épaule afin de l'aider à se calmer alors que s'égrainaient les dernières secondes avant le moment fatidique. Il ferma les yeux, expira et se souvint du discours prononcé par l'un de ses nombreux lettrés qui agitaient le tisonnier de leur verbe pour hâtiser la flamme de leur courage et lorsque l'ordre de bondir vint et que se déplièrent ses genoux pour foncer vers l'adversité, il les cria à son tour: '' Qui croit que la peur éteint le feu de la juste et divine colère méritera les mains innombrables qui le saisiront!! '' Se levant dans son ombre, le guerrier de la nation sœur renchéri sur un '' JE ME SOUVIENS '' bien senti. Sur le fleuve, les écoutilles de la flotte anglaise crachèrent la mort sur la ville, sur Beauport, sur les habitants qui avaient pris les armes. Sur les murs de leurs quais bastionnés, la garnison qui surplombait leur charge tirait salve après salve. Le jeune milicien fonçait devant lui, des débris des pavés des rues frôlant ses jambes, la fumée soufflant sur son visage puis, il tomba; soufflé par l'adversité, comme une feuille décroché d'un arbre. Ébété, il compris une fois au sol alors qu'il sentait un liquide chaud détremper ses vêtements que ses jambes ne le porteraient plus jamais: elles n'étaient plus là. Son camarade aux tempes grisonnantes tenta de le soulever pour le mettre à l'abri, mais le brave guerrier fut faucher à son tour par plusieurs balles, ils tombèrent ensemble, et la mort était venue si vite; qu'elle n'avait pas eu le temps d'arracher la sérénité et la dignité du guerrier tombé à ses côtés. Autour d'eux, il pouvait encore distinguer des dizaines de pairs de jambes qui fonçaient à leur tour vers les murs et pour chacune qui s'effondraient, 10 prenaient sa place. Lorsqu'il senti son dernier souffle le quitter, ce fut avec un sourire car il entendit alors craquer les portes du bastion: ils étaient passés.