Nouvelles recrues

Année 4501 – Galliano

Dans une clairière, au plus profond de la forêt située en bordure de la cité de Galliano, un petit campement s'était installé. Il s'agissait des potentielles nouvelles recrues du groupe d'Emilia. Cheffe du marché noir de la cité, ainsi que protectrice de Galliano, la jeune femme prenait à cœur son rôle. Il pouvait sembler étrange qu'une criminelle, une trafiquante, soit aussi populaire dans une cité réputée honnête et pourtant, pour les habitants cela tombait sous le sens.
Ville autrefois gangrénée par une criminalité violente et dominée par des groupes de bandits, Emilia avait réussi à repousser les envahisseurs et à redonner de l'espoir aux travailleurs. Certes, cette protection avait un prix dont il fallait s'acquitter, mais finalement cela n'avait rien de bien différent des impôts à payer à l'empire. Emilia au moins faisait des choses pour arranger les situations.
  De ses yeux bleus perçants, la jeune femme observait le campement, en particulier le comportement de ses potentielles recrues. Ils étaient une vingtaine, mais tous ne passeraient pas les phases finales de tests. Ils ne rejoindraient pas tous l'organisation, mais ils pourraient tout de même continuer à travailler pour elle. Se débrouiller en forêt, gérer un campement et réussir à s'entendre dans un large groupe étaient des critères essentiels pour Emilia. Le reste pouvait s'apprendre sur le terrain, mais le comportement, l'éducation, elle n'était pas là pour leur refaire.
Ses yeux se posèrent sur un petit groupe de jeunes hommes un peu plus bruyant que les autres. Ils semblaient se railler à propos de leur compétences sexuelles. L'un des jeunes hommes du groupe remarqua le regard d'Emilia et sembla plaisanter à ce propos avec ses amis.
Comprenant facilement le genre de sous-entendu qu'il aurait pu faire, elle se dirigea vers lui. Arrivée à son niveau, le jeune homme ne semblait pas impressionné par Emilia et la scruta de haut en bas avec un rictus satisfait.
  -Tout se passe bien dans le camp ? demanda Emilia d'un ton amical.
-Ça manque un peu d'alcool, mais sinon ça va, répondit le jeune homme en riant en direction de ses collègues.
L'un d'eux autour du feu ne riait plus, comprenant peut-être la situation.
-Et niveau physique, vous vous en sortez ? demanda à nouveau la jeune femme.
-On peut dire que c'est mon point fort, ouais. Vous voulez une démonstration ce soir ? se mit à rire encore plus fort le jeune homme.
A cette dernière réplique, les autres collègues autour du feu détournèrent les yeux. Ils avaient sans doute encore un peu les idées claires.
-Pourquoi attendre, autant s'y mettre dès maintenant. Prends ton épée et ta dague, ordonna Emilia.
La jeune femme lui indiqua le centre du campement où une petite aire était en place pour procéder aux entrainements à l'épée.
  Emilia se plaça au centre et sortit nonchalamment sa lame de son fourreau. De sa main gauche, elle détacha sa dague de sa ceinture et se mit en position d'attente.
Son futur adversaire se leva mollement de son assise et empoigna son épée, il se dirigea maladroitement vers l'aire d'entrainement. Un des soldats plus expérimentés lui lança un collier de protection. Étant donné qu'il n'avait pas de tatouages magiques comme Emilia, il lui fallait bien quelque chose pour se protéger et ainsi éviter des blessures inutiles.
Encore confiant dans ses capacités, le jeune homme scruta à nouveau Emilia avec un sourire aguicheur. La jeune femme lui renvoya un sourire, mais il ne s'agissait pas d'un signal romantique, bien au contraire.
  L'un des hommes d'Émilia fit tinter une petite clochette. La jeune femme bondit sur son adversaire en un seul sprint redoutable. Avant même qu'il ne put réagir elle fouetta son torse avec la pointe de sa lame, la protection éclatant en un bruit de verre. Abasourdi par le choc, le jeune homme manqua de tomber au sol, Emilia se trouvait désormais dans son dos et frappa à nouveau du plat de sa rapière. Un nouveau choc se fit entendre.
L'impact fut si violent que la lame traversa la protection et un filet de sang jaillit du dos de l'épéiste.
-Toujours sûr d'être au point ? demanda Emilia à son adversaire.
Conscient d'être en train de risquer sa vie, le jeune homme était devenu blême, bien loin de se fierté de tout à l'heure.
-Pardonnez-moi Dame Emilia, je ne voulais pas vous offenser, chevrota l'épéiste aux jambes tremblantes.
-M'offenser ? Non, je pense que tu voulais autre chose de moi, tu te pensais si unique et si formidable que tu pensais avoir tes chances contre moi, ou plutôt... avec moi.
Emilia releva lentement la tête du jeune homme avec la pointe de sa lame. Il était terrifié, ses yeux rouges contenaient difficilement des larmes. Elle l'observa quelques secondes en silence, puis relâcha la pression et rengaina sa rapière.
-Rentres chez toi ou restes ici, mais dans ce cas ton comportement devra radicalement changer. Je ne peux accepter l'irrespect. La prochaine fois, tu n'auras pas ce petit collier, termina Emilia.
  La jeune femme retourna vers sa tente de commandement. Elle n'aimait pas particulièrement montrer cette facette d'elle-même, mais il fallait parfois se montrer dure afin d'imposer la discipline. L'agitation du début de journée laissa la place à un calme propice au travail et à l'entrainement. La même rigueur s'imposa aux journées suivantes.
De plus en plus, Emilia sentait sa fonction auprès de ses hommes changer. Auparavant, elle agissait comme une grande sœur voire comme une mère de substitution. Mais ce qui était possible lorsque son groupe comportait moins d'une dizaine de membres, aujourd'hui l'était beaucoup moins. Il fallait qu'elle agisse en meneuse, en cheffe et parfois en général.
Une fois isolée dans sa tente, Emilia soupira. Elle avait besoin de vacances...