Eglise et guerre
La philosophie médiévale se devait de jongler avec des doctrines qui semblaient interdire la guerre : le Cinquième Commandement dit, "tu ne tueras point". Les penseurs étaient opposés à des envahisseurs, des oppresseurs de l'étranger, des usurpateurs et des seigneurs cruels, et trouvèrent deux doctrines adaptées, la Trêve de Dieu et la Guerre Juste.
La Trêve de Dieu
Cette doctrine, appelée Treus Dei, appelle tous les hommes à abaisser leurs armes à des périodes données. Ses origines sont si lointaines qu'elles sont inconnues. Assez tôt, l'Eglise estima que les chevaliers devaient protection aux églises et aux clercs, notamment, mais aussi aux marchands et aux paysans, y compris leurs biens, que ce soient moulins, vins, bétail ou marchandises. Le concept dresse clairement l'Eglise contre la moralité de son époque, et est un exemple très représentatif de l'influence positive du clergé pour modérer les horreurs du premier Moyen Age.
Tout combat est interdit pendant tous les grands jours de rassemblement, du samedi soir au crépuscule au lundi matin à l'aube, et pendant toute fête religieuse. Il est expressément interdit de menacer ou de faire du mal à des membres de l'Eglise ou à ses propriétés, ainsi qu'à des marchands, des paysans, et à leurs biens. Ces règles, promulguées en premier en Occitanie vers 490, ont été officialisées par le Concile de Narbonne. La Trêve suggère également à tous les chevaliers qui ont fait récemment la guerre de faire une pénitence de 40 jours, pour se libérer de leur oeuvre de mort. Pendant cette période, la prière et la macération doivent remplacer l'entraînement au combat.
Bien entendu, il est impossible de faire respecter cette Trêve de Dieu en permanence. Les nobles sont censés être auto-disciplinés, mais c'est beaucoup exiger d'eux. Peu d'occasions se sont présentées, ces dernières années, pour lesquelles les hostilités furent suspendues un jour saint, et plusieurs des interruptions n'étaient d'ailleurs que des ruses (souvent le fait de Saxons). Néanmoins, avec l'évolution générale vers plus de civilisation, l'idée d'une Trêve générale fait son chemin et est de plus en plus adoptée. Dans certaines contrées (Logres, Escavalon, Caméliard), il devient presque un crime social de combattre le dimanche, et cela vaut souvent un défi immédiat pour le lendemain de la part d'un chevalier du royaume.
La Guerre Juste
Le concept de Guerre Juste fut développé à la fin du 4ème siècle par Saint Ambroise et Saint Augustin, grands créateurs de dogmes chrétiens. Il fut étendu notamment par Saint Thomas d'Aquin.
Une Guerre Juste est une guerre dont la moralité est approuvée par l'Eglise. Des critères très stricts doivent être remplis. Si tous le sont, alors la guerre est acceptable.
La cause est-elle juste ? Y a-t'il une injure claire à redresser ? La mauvaise action doit être parfaitement définie, et jugée amorale. Un mal supposé n'est pas suffisant. Les rois médiévaux payaient leurs érudits fort cher pour conclure cela.
Tous les efforts raisonnables ont-ils été faits avant de recourir à l'effusion de sang ? La guerre est le dernier recours. Tous les autres moyens pacifiques doivent avoir été explorés avant qu'une guerre ne puisse être déclarée juste.
La guerre sera-t'elle déclarée par une autorité légitime ? En général, on entend par là le roi ou au moins un noble de haut rang qui a le droit de déclarer et d'engager une guerre. Il peut être un évêque, un prince, un duc...
La guerre sera-t'elle menée uniquement avec des moyens honorables et moraux ? Cette clause exige uniquement que les règles habituelles de l'honneur soient suivies. Ainsi, la Treus Dei doit-elle être respectée, une trêve de 40 jours doit-elle être proposée, etc. Pendre une garnison qui ne s'est pas rendue est toujours un comportement acceptable. On ne demande rien de plus que respecter le niveau de civilisation déjà atteint.
Les ravages de la guerre seront-ils plus ou moins grands que l'offense initiale ? Après tout, si la guerre ne sert qu'à alourdir les souffrances des combattants, il n’y a pas de raison de la continuer.
Le succès est-il probable ? L'échec est une mesure du jugement de Dieu. Si les chances paraissent inexistantes, Dieu a apparemment préjugé de l'événement.
Saint Augustin tenta de clarifier sa position pour ceux d'entre nous qui se posent encore des questions. Selon lui, ce qui compte dans une mise à mort, c'est ce qui se trouve dans les coeurs des combattants. Si on aime son ennemi, alors qu'on le tue, tout est excusable.