Journal du Halfelin, date tellurienne 36.08.05 du second cataclysme

Assis à une table, dans un coin sombre de la taverne, Aroxyan essaye de noyer sa déception dans un fond de verre.
 
Comment ça, hérétique ? Il a toujours suivi les préceptes de son tuteur : la bienveillance a priori, l'acceptation des autres. Des autres, dans le sens le plus large. Il croit aux Huit, il vénère les Grands Levantins. Cependant, il a des doutes. Comment les Huit peuvent-ils accepter que tant d'horreurs et de mensonges se produisent en leur nom ? Comment peuvent-ils laisser proliférer les créatures de Brume, ou même permettre à la Brume de s'étendre ?
 
Soit ils ne sont plus là pour s'en occuper, soit ils se moquent des créatures qui les prient.
 
Ces capacités qu'il a acquises ces derniers temps sont effrayantes, mais finalement utiles. Il n'a pas cherché à les obtenir, il n'a pas scellé de pacte avec une entité noire. Est-ce finalement la volonté des dieux qu'il puisse réaliser ces choses ? Dans le feu de l'action, voyant qu'il n'était pas le seul à pouvoir le faire, il avait failli faire un thumb-up à ses camarades. Finalement, il est comme les autres. Mais il s'est retenu : apparemment, la Rinn n'avait pas le même point de vue. Elle et Skit étaient tellement attaqués et abîmés qu'il n'avait pas eu de meilleure idée pour les protéger, le temps qu'ils se soignent et s'occupent de ce Lakhar.
 
Il boit une nouvelle gorgée, finissant son verre. Il en regarde le fond, y voyant le visage courroucé de Ludivine. Pour l'instant, elle ne voit les choses que du côté de son dogme, elle ne pourra jamais comprendre les autres. Elle ne pourra pas comprendre ceux qui suivent le Monarque sans comprendre pourquoi elle-même suit l'enseignement des Huit.
 
Et elle ne pourra pas non plus comprendre Willy et lui-même... Il sait que Willy non plus n'a pas choisi ce qu'il est.
Pour Marcus, il ne sait pas trop. C'est un noble, après tout, mais au moins, il lui a tendu la main pour partir à la recherche de sa mère.
 
Il se recommande un verre, ne sachant pas trop quoi faire d'autre.
 
Tout ce qu'il sait, c'est qu'ils ont tous les trois œuvré pour protéger un Levantin et une Rinn, sauver leur peau, tenter de défaire un dangereux général ennemi et sauver un maximum de gens de l'horreur du Sombrempt qu'ils ont déjà connue.
 
Reprenant une gorgée de son nouveau verre, il pense amèrement :
 
— Le monde va mal quand on félicite un tyran brutal et meurtrier et que l'on conspue ceux qui tentent… qui cherchent à sauver des vies.