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19 Juillet 36TE

Journal du Halfelin, date Tellurienne 36.7.19 du 2ieme cataclysme

by Aroxyan Drag'Nil Quickpeek

Cette journée passée dans les Taudis de Nouvelle-Audarque n’a rien eu d’agréable. Elle a ravivé en moi des souvenirs d’enfance, des souvenirs d’un autre monde. Quand j’étais petit, je vivais dans un village où se mêlaient, dans le respect et la bienveillance, des espèces venues des quatre coins de la Tellurie. À l’époque, cela me semblait naturel, une évidence. Mais cette évidence s’est brisée lorsque mes parents m’ont abandonné à Nouvelle-Audarque.
 
Je n’avais que sept ans, bien trop jeune pour saisir pleinement la différence entre un village cosmopolite, paisible et chaleureux, et cette capitale, froide et imposante, où les humains règnent sans partage. Le contraste m’a frappé de plein fouet. J’ai rapidement découvert l’arrogance des humains. Ils avaient érigé leur prétendue supériorité en mode de vie, imposant leur domination sur la Neustrie par la peur et la contrainte.
 
J’ai vite compris que le Candélabre était le bras armé de cette oppression, même s’il se drapait dans des habits de bienveillance. Organisation sanctifiée, il se proclame la voix des Huit sur la Tellurie. Comment oser le contredire ? Il est infaillible. Son infaillibilité divise le monde en deux : ceux qui marchent dans la lumière, et les autres — hérétiques, parias, étrangers par défaut. Les races non humaines sont tolérées, tout juste. Une tolérance arrachée de force et teintée d’un mépris à peine voilé. C’est à elles de se montrer reconnaissantes, de supporter l’idée que cette mansuétude est une faveur et non un droit.
 
À dix ans, c’était déjà ma vision des choses. Un enfant empli d’amertume, trahi par ses propres parents, ballotté dans les griffes d’un tuteur. Cette colère m’a transformé : j’étais rebelle, agressif, parfois cruel. SolairiK, mon tuteur, en a souvent payé le prix. Mais malgré mes provocations, il est resté patient. Sa bienveillance, une énigme à mes yeux, a fini par fissurer la carapace de rancune que je m’étais forgée.
 
SolairiK n’était pas comme les autres. Un drake. Immense, intimidant, si différent. Et pourtant, il incarnait une tolérance et une compassion que je n’avais jamais associées à son espèce. J’ai passé des années à le questionner, à essayer de comprendre ce paradoxe. Comment une créature comme lui pouvait-elle œuvrer pour une institution comme le Candélabre ? Comment pouvait-il prêcher une doctrine qu’il savait profondément injuste ?
 
À chaque fois, sa réponse était la même : « Parfois, il faut être à l’intérieur pour changer les choses. »
 
À l’époque, ces mots m’échappaient. Aujourd’hui, après cette journée passée dans les Taudis, je crois comprendre. Mais ce que je comprends surtout, c’est qu’il a échoué.