Mooch: chapitre 1

Imaginez devenir l’un des êtres les plus puissants du continent tout en faisant partie d’un des groupes les plus détestés de l’Empire. Ne trouveriez-vous pas qu’il s’agirait d’une ascension épique des plus extraordinaire? Si c’est votre avis, c’est que vous vous extasiez devant l'irrésistible histoire de Mooch, le brutal chef Muridae de la guilde des voleurs de la province de l’Ouest.
Étant l’un des petits fils de Vexum, l’un des Muridae original, Mooch a grandi dans la ville de Pointe-Misère. Faisant partie de l’équipe d’excavation responsable de creuser les égouts de la ville, c’est dans la misère et le mépris qu’il passa ses premières années dans le ghetto muridae. Victime et témoin de la cruauté des responsables ‘’normaux’’ de la ville, ces années ont été marquées par une amertume omniprésente envers ses maîtres.
Souvent poussé par un irrésistible besoin d’aventure, Mooch passait une bonne partie de son temps libre à errer dans les plaines entourant la ville. Bien qu’il n’en avait pas le droit, il ramenait souvent des objets qu’il trouvait jolies dans le ghetto. Dans une des grottes à l’Est de la ville se trouvait une multitude de pierre brillantes de couleur blanches, mauves et jaunes. Il avait souvent vu les “normaux” s’échanger ce genre de cailloux. Elles semblaient leur tenir à coeur.
Dans certains cas, il était même capable d’augmenter ses rations journalières en échangeant certains de ses objets. Il n’avait jamais eu l’audace de proposer une de ces échanges aux ‘’normaux’’ cependant. Comme il était interdit aux Muridaes de posséder autre chose que ce qu’il leur était fournis par la ville, il aurait été extrêmement dangereux de le faire.
Pourtant, un jour, pendant qu’il creusait dans le secteur sud de la ville, il entendit une conversation entre deux gardes. L’un d’eux, un humain, lui rappelant vaguement un morse, se plaignait de la maigre solde que l’Empire leur versait pour résider dans un trou comme Pointe-Misère. Mue par son instinct, il demanda s’il pouvait monter à la surface pour aller chercher de la poudre noire en espérant que le morse serait désigné pour l’accompagner. Par chance, c’est dans l’agacement que celui-ci tourna les talons pour se diriger vers la réserve de poudre qui se trouvait à l’extérieur de la ville.
En route, lorsqu’il fut assuré qu’aucune oreille indiscrète ne puisse le surprendre, il risqua un commentaire. Comme pour vérifier la température de l’eau avant d’y sauter, il laissa filer un:
-C’est vrai que c’est pas payé fort fort pour vivre dans un trou de merde comme Pointe-Misère. J’veux dire, je suis obligé d’y rester, mais si j’avais le choix, faudrait me payer en criss pour que je reste dans le coin.
-T’as pas idée les moustaches. C’t’une vrai honte qui payent pas les soldats qui se sacrifient pour l’Empire plus cher. J’imagine qu’y’en aurait pu assé pour les généraux.
Sentant une réceptivité, il alla un peu plus loin.
-Cpas possible pour vous d’avoir un revenu d’appoint? Jveux dire, Cpas comme si vous étiez occupé après la job. Jvous vois souvent au bar.
-Ça serait ben le bout de la marde que je sois obligé de travailler en plus de mon travail. De toute façon quessé que t’en sait toé? Tu fais quoi après d’avoir creusé des trous toute la journée? Fourrer pis manger tes enfants?
Sa remarque lui fit échapper un gros rire gras de sous sa moustache hirsute. De toute évidence, cet homme était son meilleure public. Malgré le dégoût que lui inspirait sa remarque, Mooch retroussa les commissures des lèvres pour forcer un sourir. Son petit rire discret ne fut même pas remarqué par le garde tant il s’esclaffa longtemps et fortement du trait d’esprit qu’il venait de livrer au monde de Folklore. Après un moment ridiculement long, Mooch reprit la parole.
-Y’a peut-être des choses pas trop forçantes à faire dans le coin. Jsais que cpas facile votre job, mais y’a toujours d’la job pour un homme intelligent comme vous.
La manoeuvre était risqué, mais son respect pour l’intelligence de son interlocuteur s’amenuisait de minute en minute. Il réalisa que son coeur battait la chamaille. Ses petites pattes griffues étaient moites et sa bouche sèche rendit les mots suivants difficiles. S’il s’avérait qu’il sous-estimait ce gros ventru, il pourrait avoir de gros ennuis.
-J’ai… j’ai peut-être quelques amis fortuné qui cherchent… de… l’aide.
Tout comme le visage du garde, le temps sembla se figer. Celui-ci tenait ses clés dans la main droite et regardait Mooch, dubitatif. Après un moment qui sembla durer des heures, il lança ces mots:
-Quesse tu veux dire par là?
Il venait de prononcer ces paroles en chuchotant, mais étrangement, il lui semblait les avoir hurlées. Sentant que l’intérêt était au rendez-vous, Mooch laissa tomber toute prudence.
-Écoute, je sais que j’ai pas le droit, mais jme promène souvent dans les plaines autour de la ville. Jte dirais pas où, mais j’ai trouvé des pierres dorées qui semblent intéresser pas mal les gars dans ton genre. Moi j’ai besoin de bouffe pis de la protection. Toi t’as l’air d’avoir besoin de cash. Jte fournis en cailloux dorés, toi tu me fournis en ça. Capiche?
Le temps sembla encore s’étirer pendant que les deux interlocuteurs échangeaient un interminable regard. Jaugeant le Muridae, le garde avait l’impression que celui-ci venait de grandir de 6 pieds. C’était avec autorité qu’il venait de lui faire sa demande et s’est avec encore plus d’autorité qu’il plangeait ses yeux noirs dans les siens.. La peur lui tenaillait le ventre. Il savait que s’il se faisait prendre, ce serait l'échafaud pour lui, mais la fermeté du petit homme rat mélangé avec l’appât du gain rendait la demande irrésistible. Lentement, il détacha les syllabes suivantes:
-Quelles pierres brillantes?