Extrait d'un journal, non signé
Probablement par un vifier et son loup de Vif
Extrait d'un journal, non signé
« Mon loup m’a instruit autant que je l’ai instruit moi-même, mais, malgré tous ses efforts, il n’a jamais complètement réussi à m’apprendre à exister dans l’instant comme lui. Quand nous passions des soirées calmes allongés devant la cheminée où ronflait un bon feu tandis qu’au-dehors la neige tombait, il n’éprouvait pas le besoin de parler ni de lire ; il savourait simplement le confort de la chaleur et du repos. Si je me levais pour arpenter la petite pièce, pour prendre un brandon et gratter négligemment les pierres de l’âtre ou pour me munir de papier et d’une plume, il redressait la tête, soupirait puis la reposait et continuait à jouir de la soirée.
Quand nous chassions ensemble, je me déplaçais presque aussi silencieusement que lui, toujours à l’affut d’un mouvement d’oreille ou de sabot, de cet infime détail qui trahirait le cerf qui se tenait immobile dans les taillis en attendant que nous nous éloignions. Je me flattais d’être entièrement dans le présent, uniquement concentré sur la chasse ; et cette vigilance m’absorbait tant que je sursautais lorsque, d’un bond suivi d’une brusque torsion du cou, Œil-de-Nuit tuait un lièvre ou un tétras tapi que je n’avais pas vu. Je lui avais toujours envié cette faculté ; il était ouvert à toutes les informations disponibles autour de lui, une odeur, un bruit, un petit mouvement, ou simplement la vie qui effleurait son Vif. Je n’ai jamais acquis cette capacité à s’ouvrir à tout, à être conscient de tout ce qui se passe en même temps. »
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