Les coques de fanontules

De toute évidence, tenter de monter une tente sur les landes du Souffle constitue une idiotie caractérisée. Pourtant il faut bien s’abriter lorsque la nuit tombe ou que la tempête gronde trop fort, notamment considérant qu’à part les quelques cités troglodytes des Vèdres il n’existe guère d’étapes en dur sur les immenses plaines balayées par le vent féroce qui a fait leur réputation.   Les nomades astucieux du Refuge ont depuis longtemps compris que l’intérêt des fanontules, ces immenses crustacés qui pullulent sur le Souffle, ne réside pas simplement dans la délicatesse de leur chair. En effet ces géants se parent de coquilles épaisses quasiment indestructibles, dont il suffit de les déloger pour s’offrir à peu de frais une pièce coquette et suffisamment lourde pour résister aux bourrasques des landes.   Les Vèdres usent de cette pratique dès qu’il en ont l’occasion, et les voyageurs ont également pris cette habitude. Un usage ingénieux qui, d’après les témoignages de ceux qui en ont fait l’expérience, serait tout simplement providentiel si les fanontules n’étaient pas si bigrement difficiles à tuer.    

Localisation

  Les fanontules sont une espèce endémique du Souffle. On a noté à l’usage qu’elles étaient plus nombreuses à l’Est et au Sud, mais dans tous les cas il est possible d’en croiser un peu partout sur les landes.   Une coque abandonnée est si lourde qu’elle est parfaitement intransportable - par un véléide, s’entend - mais il n’est pas rare qu’un individu dont la coquille serait ébréchée ou cassée, ou même simplement trop petite, décide de s’en séparer pour en investir une nouvelle trouvée sans propriétaire au milieu des plaines. Ainsi ce sont des abris solides mais mouvants. Seuls ces animaux disposent de l’envergure et de la force nécessaire pour soulever de pareilles charges. Ils sont malheureusement indomptables, malgré tous les efforts en ce sens fournis par les Vèdres depuis l’Eveil.   Beaucoup de ce qu’on prend d’abord pour des rochers communs sur le Souffle sont en réalité de vieilles coques de fanontules brisées, remplies de terre par le vent et envahies par la végétation.    

Matériau

  A première vue, la coque de fanontule semble être faite de pierre massive. La vérité est plus surprenante encore : c’en est bel et bien ! Les experts du Croc sont formels à ce sujet car après une enquête approfondie, ils ont pu constater que les fanontules, en sus de leur régime herbivore, avalaient beaucoup de cailloux. En ouvrant le corps d’individus chassés, on trouve au dessus de l’estomac un organe de digestion supplémentaire qui semble privilégier le traitement des minéraux ingérés.   Leur propension à se complaire dans les bancs de mesperile semble expliquer comment ils sont capables de fondre cette matière minérale pour la régurgiter ensuite sous forme de pâte qui, en se solidifiant, devient la pierre constituant leur lourde coquille.   Le résultat donne une pierre dense de couleur gris sombre presque bleue, difficile à graver, que les géoles nomment la fanontulite.    

Dimensions

  La taille de la coque dépend de l’âge de la fanontule qui l’a construite. Comme ce sont des animaux qui ne cessent jamais de grandir et ce jusqu’à leur mort, les plus vieilles peuvent atteindre les quelques dix mètres de haut pour une envergure équivalente… Bien entendu il est illusoire d’espérer tuer ces spécimens-là, mais à leur mort ils laissent derrière eux de cossues petites grottes pouvant héberger toute une famille.   En général on chasse les fanontules dont la coquille fait entre trois et six mètres de haut - il faut pour cela un groupe d’une centaine de guerriers. Les plus petites qui s’élèvent à moins de deux mètres ne présentent que peu d’intérêt, non seulement car leur coquille constitue un trop petit abri mais également parce qu’elles sont tout aussi difficiles à tuer. Ce sont des animaux très coriaces, et bagarreurs en plus de ça : plus d’un Vèdre a fait la douloureuse expérience de leurs coups de pinces violents qui brisent les os aussi facilement que du petit bois.


Cover image: by Flora Silve