Les Épidémies de Colère

Il n’y a rien de plus effrayant pour un Aqonti que la colère, et pour cause. Du fait de leur rapport particulier aux émotions et de leur capacité à les transmettre et à les capter tout autour d’eux, ils sont spécialement sensibles à ce trouble qui agit chez eux comme un virus extrêmement violent.
De telles infections sont appelées les Épidémies de Colère, et se traduisent par d’incroyables émeutes sanglantes qui se propagent sur tout le Llahe et ne laissent aucun dam indemne. Il y en eut six depuis l'Eveil. La plus meurtrière fut sans aucun doute la première, qui mena les Aqonti au bord de l’extinction. La dernière en date remonte à cinquante deux ans. Au terme de celle-ci, il fut nécessaire de reconstruire la cité d’Alprra qui avait été complètement ravagée par la haine surnaturelle de ses habitants.

Causes et symptômes

Bien que la société aqonti la condamne comme un tabou mortifère, la colère peut naître de n’importe quelle situation et sa gestion demande un contrôle absolu et épuisant pour les représentants du peuple des flaques. Simple querelle de voisinage, déception amoureuse, accident éprouvant, comportement mal ajusté ou jalousie mal placée… Les Aqonti ne sont pas étrangers aux turpitudes quotidiennes qui agitent tout naturellement n’importe quel groupe dans le Refuge, néanmoins leurs efforts pour les réprimer et les enfermer tout au fond d’eux-même font que ces alertes sont beaucoup moins fréquentes chez eux qu’ailleurs.
Elles existent toutefois. Lorsqu’un Aqonti ressent de la colère et qu’il ne parvient pas à l’étouffer, celle-ci s’insinue dans son shan et se diffuse sournoisement aux individus dans son environnement direct. Ceux-ci ressentiront ses effets et, s'ils n’y prennent pas garde, pourraient bien y succomber eux-même, devenant des relais de l’émotion originelle qui se répand ainsi bien au delà du rayon du premier porteur.
Là où le principe devient particulièrement vicieux, c’est que si la colère se disperse vers l’extérieur, elle se réverbère également vers l’intérieur. Ainsi le premier porteur ne fait pas que transmettre sa rage, il en reçoit également les échos qui viennent nourrir son émotion primordiale et la décuplent, rendant son émission encore plus intense, ce qui donne lieu à des retours eux-même amplifiés… C’est un cercle vicieux qui se met en place, un feu qui se nourrit de lui-même et qui peut atteindre de cette façon des proportions inouïes.

Conséquences

Une fois qu’une Epidémie de Colère est déclarée, c’est comme un troupeau de mâchepierres lancés au galop sur les plaines : il est illusoire d’espérer les arrêter, et quiconque se dresse en travers de sa route se fait balayer comme un fétu de paille. La Colère est si puissante que n’importe quel Aqonti pris dans la tourmente cède aussitôt à une rage enflammée qui le pousse à attaquer et à détruire tout ce qui se trouve autour de lui, sans aucune conscience de ses propres actions.
Les frères se déchirent, les mères étouffent leurs enfants, les amants s’eviscèrent… Nul n’est épargné. Tout ce qui porte un shan se retrouve à systématiquement étriper son prochain, et l’eau d’ordinaire limpide du Llahe se teinte de carmin.

Remède & prévention

On ne peut se reposer que sur les écrits relatant de l’histoire du Llahe pour comprendre comment les Aqonti sont parvenus à juguler les Épidémies de Colère. L’exemple le plus parlant fut le premier, avec l’apparition prophétique de Maru’ de l’Harmonie, un jeune homme au don de lien tellement puissant qu’il parvint à créer un contre-mouvement émotionnel, celui-ci porteur d’apaisement et de quiétude. Sur le même principe que la Colère, ce courant s’amplifia de façon exponentielle et parvint petit à petit à grignoter l'Épidémie - qui commençait déjà à s’enrayer faute de survivants en assez grand nombre pour l’alimenter. Maru’ réalisa l’exploit de mettre fin au désastre en quatre jours avec cette méthode, mais l’Epidémie avait duré un mois et trois semaines, et les Aqonti étaient désormais si peu nombreux que beaucoup crurent qu’il s’agissait là de leur fin en tant qu’espèce.
Ils surent rebondir néanmoins, et forts des Préceptes édicté par Maru’, mirent en place la société policée qu’on leur connait aujourd’hui. Les Préceptes devinrent le mantra du peuple entier et forgèrent la caste des Bienheureux qui se firent dès lors un devoir d’en maintenir la vivacité. Ils constituent la première barrière contre la formation de nouvelles Épidémies de Colère.
Il y eut pourtant d’autres occurrences de ce cataclysme par la suite. Suivant l’exemple de leur gourou harmonieux, éteint désormais, les Aqonti parvinrent à les enrayer de la même façon : en créant des poches de paix ça et là, contenant le gonflement de rage. Cette méthode vit l’émergence d’autres figures historiques au shan surpuissant tels que Garmelis’to de la Foudre ou Qarpatuni’ des Fleurs, qui surent endosser le rôle difficile d’émetteurs originels de l’apaisement. A l’heure actuelle sur le Llahe, c’est Colsantori des Pluies qui est pressentie pour occuper cette place si jamais une nouvelle Épidémie était déclarée.
Après la troisième catastrophe, les Aqonti mirent en place une seconde barrière préventive : une unité spéciale composée de shansus parmi les Vigilants appelée les Occultés. Immunisés à la colère car démunis du Lien, ceux-ci vouent leur existence à étouffer dans l’oeuf les foyers dès la première étincelle.