La paix Vigilante, Chapitre 1 : La quête de la Vieille Route
Par Skàrf, du Mont Solitaire
Printemps 2947
Deux mois que j'avais quitté la Montagne, et j'atteignais ma destination après maints périls le long de ma route. Fort-Bois était un bourg respectable, et les gens du cru se montraient accueillant à ma plus grande surprise. Il s'avéra que je m'étais fourvoyais sur beaucoup de mes jugements. Le Skali qu'ils avaient bâti au sommet de la colline était un bel édifice en bois à la charpente robuste et artistiquement réalisé. Mon hôte était un homme au regard gris, plein de sagesse. Il se se nommait Ingomer, et les siens lui avait attribué le titre de Briseur-de-Haches, et il était le Maître des lieux. Son imposante stature témoignait en effet d'une vie rude et martiale. Il me reçut dans les règles de l'hospitalité, avec de l'hydromel et de la viande de sanglier des plus gouteuse. Je profita de ce moment privilégié pour lui faire part de ma quête.
Le Roi Dain II Pied d'Acier avait approuvé mon projet un an auparavant, et je m'étais aussitôt mis à l'œuvre. Des mois durant, je me plongea dans des cartes et de vieux rapports qui prenaient la poussière dans la bibliothèque royale. Il me fallait ensuite réaliser une série de calculs et de prévisions dont le détail échapperait à quiconque n'ait pas initié à mon domaine d'expertise. Restaurer la vieil Route des Nains à travers la Forêt Noire, telle était mon ambition. Cela faisait des siècles que nous ne l'empruntions plus. La nature y avait repris ses droits depuis longtemps et bien peu nombreux étaient les braves qui osaient franchir la lisière de la Forêt. Aucun chemin n'était sûre dans les Terres Sauvages, même en cette période de paix. Maintenant que les Royaumes du Nord renaissaient de leurs cendres, l'établissement d'une voie commerciale avec l'ouest était une priorité. Mon travail d'érudit achevé, je devais dorénavant explorer les ruines de la vieil route afin d'effectuer mes premiers travaux pratiques. En outre, je désirais ardemment explorer les ruines du vieux Moulin, lieu ou devait se rassemblement le bâton du gardien de la Route : un ouvrage fait d'argent forgé par les miens. Impensable cependant était l'idée de m'y aventurer seul. Les Hommes qui vivaient à la lisière Ouest connaissaient les dangers de la Forêt mieux que personne, aussi feraient-ils d'excellents guides et protecteurs. Mais ce n'est pas des Hommes de sa maison que me présenta Ingomer.
La Compagnie d'Esgaroth était certes une bande d'aventuriers en herbe, mais elle avait acquis une certaine réputation après le sauvetage du Seigneur Balin, prisonnier des Longs-Marais. Aussi, elle comptait parmi ses rangs une jeune guerrière de Rhosgobel et un Nain du Mont Solitaire : Eitri, de son nom. Un guide, et un garde du corps fiable. C'était ma foi tout ce que je cherchais. Il y avait aussi un homme venant du Val, jeune aux yeux gris, et un elfe archer, aux cheveux de jais. La Compagnie accepta la requête que je leur présentais, sous le toit d'Ingomer.
Nous partîmes une semaine après mon arrivée à Fort-Bois. A cette époque de l'année, le climat était déjà chaud et sec et nous voyageâmes sans difficulté en quête de l'entrée de la Forêt. Nos soirées étaient arrosés d'un tonnelet de bière du Mont Solitaire, qui ne dura pas plus de trois jours. La vierge de la Forêt parvint à trouver les vestiges de la vieil Route cinq jours après notre départ. Ca et là, on percevait encore quelques colonnes de dalles enfouis sous la végétation, et la voie était plus dégagé que les alentours. Nous quittâmes les bords clairsemés de la Forêt pour nous enfoncer sous un dôme luxuriant de végétation. Le soleil s'effaça au dessus d'un toit de feuilles et de branches qui ne laissait passer aucune lumière. A mesure de notre progression, l'air se fit plus lourd et nos pas plus pesants. Même l'elfe, qui devait être accoutumé à cette environnement, n'y semblait pas à son aise. Eitri s'efforçait de me faire la conversation, sans doute pour outrepasser l'angoisse que m'inspirait les lieux. Les légendes sur la Forêt Noire étaient nombreuses : Loup-Garou, fantômes, basilics. J'espérais ne pas être l'objet d'un nouveau récit d'effroi. Le vieux Moulin devait se trouver au cœur de la Forêt, à plusieurs jours de marche. Chaque jour, le climat qui régnait sous le couvert des feuilles nous rendaient un peu plus aphasique. Mes travaux de repérage me demandait la plus grande concentration pendant que mes compagnons restaient aux aguets. L'elfe attira notre attention sur de gigantesques toiles qui tapissaient les branches, au dessus de notre tête. Des années auparavant, la Compagnie de Thorin Ecu-De-Chêne avait bravé le sentier des elfes et croiser le fer avec de grandes araignées, perfides et affamés. Le même destin nous attendait, et il ne tarda pas à se manifester. Tout une cohorte de ces vils créatures nous prirent en embuscade lors d'une halte sur un tapis de mousse dégagé. Mes compagnons parvinrent à la repousser au terme d'un rude combat, auquel je faillis y laisser ma peau. La guerrière de Rhosgobel maniait la hache comme personne, et plus d'une araignée l'apprit à ses dépens.
Nous atteignîmes les environs du moulin au prix d'un grand effort. Trop longtemps, nous avions erré sur la vieil route, privée de soleil et d'air frais. Nous n'étions pas au bout de nos peines pour autant, et le plus terrible restait à venir. Une araignée gigantesque avait fait du vieux moulin son antre. Elle était si grande que son corps velu recouvrait entièrement le toit du moulin. En langue commune, on l'appelait Tauler, le Chasseur impitoyable. Mon espoir de retrouver le bâton du gardien s'envola à la vue de cette abomination. Dans un accès de rage et de folie, provoqué par l'air néfaste de la forêt, Eitri chargea la bête, hache à la main. Ses compagnons ne purent pas l'arrêter à temps, et n'eurent d'autres choix que de se lancer à sa suite. Ce jour là, tout le courage qu'il me restait me quitta définitivement, et je n'éprouve aucune honte à le révéler. La majorité des nains comme des hommes auraient défailli face à cette créature. L'assaut fut brutal et bref pour mon compagnons nains. Il fut balayé par la force effroyable de Tauler. Les flèches de l'elfe fusaient et transperçaient son corps gras, mais il aurait fallu une dizaine d'archer pour espérer la repousser. La guerrière et Rhosgobel et l'Homme du Val luttait à la hache et à la lance, manquant de se faire écraser par les énormes pattes de l'araignée. La suite de l'affrontement relève du pur miracle. L'Homme du Val parvint à transpercer la créature du bout de sa lance. Elle s'enfonça si profondément dans son corps velu qu'elle n'eut d'autre choix que de fuir. Quant à Eitri, il était sauf et ne souffrait d'aucune blessure mortelle.
Nous nous empressâmes de fouiller les ruines du Moulin, dans lequel je dénicha l'objet de ma quête. Le bâton du gardien de la Route était une pièce d'une rare beauté, faite d'un argent mat et poli incrusté d'un émeraude. Je laissa à mes compagnons le loisir de collecter les autres pièces de ce trésor. L'Homme du val n'en prit qu'une seule : un collier en argent serti d'un rubis poli.
Terrifiés à l'idée d'une nouvelle rencontre avec Tauler, notre voyage de retour fut le plus bref possible. Nous ne nous autorisions que de rares pauses pour manger et sommeiller quelques heures. Epuisés et meurtris, nous parvînmes à regagner Fort-Bois. Notre aventure de plusieurs semaines prenaient fin. L'Homme du Val offrit le collier en cadeau à la fille d'Ingomer, qu'il épousa quelques mois plus tard. Quant à moi, mon travail ne faisait que commencer. Il s'écoula bien des années avant que le Vieil Route soit restaurée et de nouveau empruntée.
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