E4 – La forêt aux serpents Report in Abrasia | World Anvil

E4 – La forêt aux serpents

Par Paul - a.k.a. Nèfle
Illustration de couverture par Elsa - Instagram

General Summary

Journal de Nèfle

Texte découvert sur des corps sans vie

Je profite de la nuit pour écrire ces quelques lignes, afin qu'un voyageur qui trouverait nos dépouilles sache ce qui nous est arrivé et quels périls le guettent s'il s'aventure dans cette forêt.

Oui, cet amas de bois mort près duquel vous avez découvert ces parchemins, c'est bien moi : Nèfle, marionnette pour le physique, gentilhomme de fortune au moral, fauché en pleine jeunesse alors que la vie aurait dû lui réserver une place au soleil.

Oui, les corps qui l'entourent sont ceux de mes compagnons. Dans l'armure à peine rouillée, Guérin le paladin ; dans la robe élégante couverte de champignons, Fénésia l'enchanteresse. Et l'énorme tas en putréfaction sous une tunique de propreté douteuse, ça doit être Fracasse, le moine.

J'espère que c'est tout ce que vous découvrirez dans les parages, ce qui voudrait dire que notre jeune apprenti La Broche et Eladan, notre stagiaire, ont réussi à fuir. Mais que leur est-il donc arrivé ? vous demandez-vous, fort à-propos. Oh, rien de bien étonnant en ces contrées reculées.

Nous étions un groupe d'honnêtes aventuriers, enfin, souvent honnêtes, (peu) connus sous le nom de «Bande de la sorcière découpée ». Nous sommes partis à la recherche de notre Mamma, cuisinière talentueuse et gestionnaire sourcilleuse, Uriah, qui a été enlevée deux jours plutôt dans notre auberge par un aventurier fort suspect. Sa piste nous avait mené à la ville voisine de Castel'Angelo.

Depuis l'auberge du bourg, nous avons suivi les traces laissées par une bande de brigands, et la carte oubliée lors de leur fuite, qui nous indiquait la position de leur repaire, au-delà de la forêt des Serpents, sur les contreforts des montagnes.

Le début de notre voyage s'est déroulé sans encombre, et notre première nuit passée près du gué sur la Vinaria a été calme, marquée seulement par l'irruption d'un lapin de garenne, prestement abattu par le jeune archer Eladan, neveu de l'aubergiste, qui se révélait plus dégourdi qu'on aurait pu le supposer. C'est après une journée supplémentaire de marche le long de la rivière, à la lisière de l'immense et hostile forêt, que les choses se sont gâtées.

Nous avions été prévenus de la présence dans ces bois de Nahash, créatures mi hommes, mi reptiles, à la sinistre réputation. Mais, alors que le soleil allait se coucher et que nous hésitions sur la conduite à prendre, c'est une jeune femme en détresse qui est sortie de la forêt à un jet de pierre de notre petit groupe.

La demoiselle, qui paraissait épuisée et craintive, nous a aussitôt réclamé de la nourriture. Je me suis empressé d'aller à sa rencontre, mais l'attitude étrange de Fénésia aurait dû m'alerter. La magicienne, en effet, s'était soudain figée alors qu'elle approchait de la pauvresse. J'ignorais alors que notre magicienne avait senti sur la visiteuse un charme dissimulant sa véritable apparence.

La jeune et inoffensive (c'est ce que je croyais) personne m'apprit qu'elle venait de s'évader du camp de Sarass (où était-ce Tarass ? Ou Marass ? ), un brigand établi dans une caverne à trois heures de marche. Précieux renseignement : il devait s'agir des bandits dont nous cherchions la tanière !

Fracasse et Eladan, sur leurs gardes, ne s'étaient pas autant approchés que moi, car eux aussi avaient compris qu'ils n'avaient pas affaire à une véritable humaine. Ils avaient deviné sous les traits charmants de la jeune fille une créature maléfique capables de tromper les voyageurs naïfs, afin de les dévorer : une guenaude ! Guérin, méfiant lui aussi, tenta d'utiliser son autorité divine pour extorquer à la voyageuse sa véritable identité. Elle avoua juste avoir fort faim, telle la mère-grand d'un conte bien connu.

Sans perdre mon sang-froid, je tentai alors de retourner à notre avantage cette rencontre. La guenaude savait des choses sur nos ennemis, et pourrait s'avérer utile. Je lui proposai notre mansuétude en échange de ses indications sur Sarate (Barrate ? ) et ses hommes. Elle sembla déroutée, mais lorsque je lui appris l'issue de notre dernière rencontre avec une sorcière (qui nous avait valu notre sobriquet), je la vis blêmir.

Guérin lui proposa de nous guider jusqu'au repaire des bandits, et elle précisa qu'ils étaient dans un ancien temple de Kalester, tentant de nous convaincre d'en briser l'autel afin d'abolir la protection sacrée qui l'empêchait de s'attaquer aux bandits.

A ces mots (et à la vision du véritable visage de la créature, à la peau évoquant un vieux fromage de Corsica recouvert d'asticots), Guérin ne parvint pas à réprimer son saint courroux : le paladin coupa court aux palabres et embrocha la Guenaude d'un coup d'épée ! Mais la maléfique créature, par une diablerie, réussit à se dissoudre dans les airs avant que le coup ne la transporte.

Interloqués par ce sortilège, nous étions tous tels des gnocchis dans une marmite d'eau chaude, nous tournant en tous sens sans savoir où frapper. Seule Fénésia, dont la magie percevait l'aura de la sorcière, était capable de suivre ses mouvements : la sorcière s'apprêtait à fondre sur notre stagiaire Eladan ! Fénésia projeta sans attendre une volée de liens surnaturels qui entravèrent la créature, et qui nous permirent de localiser enfin son emplacement.

Ce dernier donna aussitôt un coup d'épée au monstre, suivi de votre serviteur – et je ne crois pas immodeste de vous affirmer qu'en temps normal, ma lame aurait porté une mortelle blessure à la vilaine, ou l'inverse. Mais nos coups la traversaient comme les hirondelles passent à travers des nuages !

La guenaude s'agitait afin de rompre les liens mystiques qui la maintenaient prisonnière, quand Guérin planta son épee dans cette forme mouvante. L'énergie sacrée du paladin, cette fois, sembla faire effet, et nous entendîmes tous un hurlement de douleur. La Guenaude échappa hélas à ses entraves et disparut, , non sans nous avoir menacés d'une vengeance abominable.

Voilà, voyageur horrifié, les dernières mésaventures que nous avons vécues. Le soleil est maintenant sous l'horizon et les ombres des immenses pins qui nous entourent semblent autant de longs doigts qui se referment sur nous. Chaque bruit venu de la forêt paraît l'écho d'une menace que nous savons bien réelle.

Observez bien nos corps sans vie qui s'étendent à vos pieds. Portent-ils la trace de griffes, ont-ils été dévorés par des crocs trop humains pour être ceux de simples bêtes sauvages ? C'est que la sorcière des bois a mis ses menaces a exécution.

Gardent-ils plutôt la trace d'armes exotiques, inconnues des honnêtes guerriers de nos villes et villages ? Tridents, harpons, tricornes ou massue-rex ? Les sauvages Nahash sont donc sortis de leurs huttes boueuses pour nous tuer de sang-froid. Sont-ils simplement lardés de coups d'épées, de flèches ou d'entailles de haches ? C'est que Satrass et ses hommes nous ont retrouvé avant que nous les surprenions !

Et si vous ne trouvez pas nos corps sans vie, c'est peut-être signe que nous avons survécu et continué l'aventure… Pour ce cas improbable, j'écris tout de même ces mots pleins d'espoir : « A suivre… »


Cover image: Fénésia and Massimila dancing at the fair by Elsa

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